(Tripoli) Des Libyens ont célébré mercredi le dixième anniversaire du début de la révolution ayant renversé le régime de Mouammar Kadhafi en 2011, avec l’espoir que la récente relance du dialogue politique mette enfin un terme aux divisions et aux violences.  

Signe que la situation sécuritaire est toujours très précaire dans le pays, la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) a condamné mercredi une attaque ayant tué un enfant et blessé 29 autres personnes la veille à Sebha, dans la région méridionale du Fezzan, et réclamé une enquête.

En Tripolitaine, grande région de l’Ouest, l’ambiance était à la fête mercredi avec des discours, concerts, chants révolutionnaires et feux d’artifice.

Le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA) sortant Fayez al-Sarraj avait donné le coup d’envoi des célébrations mardi soir sur la Place des Martyrs.

Des milliers de personnes de tous âges arborant le drapeau libyen se sont rassemblées mercredi sur cette vaste esplanade au cœur de la capitale, où Kadhafi aimait prononcer des discours.

Abdel Hamid Dbeibah, le premier ministre par intérim récemment élu par des représentants libyens, s’y est offert un bain de foule, entouré de ses gardes du corps, a constaté une équipe de l’AFP.

« On n’oublie pas »

« Il y a une bonne ambiance […] les gens sont heureux et si Dieu le veut, la sécurité fera son retour dans notre cher pays », a lancé Ziad Abdelhakim Arabi, 22 ans, lunettes de soleil et cheveux gominés.

Au milieu des embouteillages, des conducteurs, vitres baissées, ont diffusé les chants populaires de la révolution. Certains ayant perdu des proches lors des combats de ces dernières années ont accroché leurs portraits sur leurs voitures.  

À chaque coin de rue, des vendeurs proposaient ballons aux couleurs nationales et drapeaux : celui de l’indépendance de la Libye en 1951, mais aussi le drapeau amazigh (berbère), emblème d’une partie de la population.

À Zawiya, à 45 kilomètres de Tripoli, des habitants se sont rassemblés dans le centre-ville, où des dizaines de « révolutionnaires » avaient été exécutés en 2011 après avoir été encerclés par les pro-Kadhafi.  

De nombreux bâtiments portent encore des impacts d’obus et de balles « qui vont rester pour qu’on n’oublie pas ce qui s’est passé ici », a confié à l’AFP Mofida El-Romeih, qui y a perdu ses deux frères et un cousin.

Les autorités de l’Est, région contrôlée par le maréchal Khalifa Haftar, n’ont tenu aucune célébration, pas même à Benghazi, berceau de la révolution et deuxième ville du pays. Ce qui n’a pas empêché des dizaines de personnes de se rassembler dans le centre-ville pour célébrer l’anniversaire.  

« Les problèmes restent nombreux, dix ans après », concède l’un d’eux. « Mais la révolution du 17 février reste une vraie révolution populaire qui a mis fin à 42 ans de dictature », a déclaré ce père de famille.  

Dix ans après le début du soulèvement et l’intervention sous couvert de l’OTAN, conclue en octobre 2011 par la mort du « Guide » Kadhafi, la Libye n’est toujours pas stable et continue à subir des ingérences étrangères.

« Véritable chance »

Le GNA, installé en 2016 à Tripoli au terme d’un fragile processus onusien, est appuyé par la Turquie. Son rival, pouvoir incarné par Khalifa Haftar et implanté en Cyrénaïque (est), est soutenu par les Émirats arabes unis, l’Égypte et la Russie.

Les Libyens sont eux appauvris, privés notamment des revenus des plus importantes réserves d’or noir d’Afrique.

Leur quotidien est ponctué de pénuries de liquidités et d’essence, de coupures d’électricité, avec une inflation galopante.

Depuis l’échec des pro-Haftar à s’emparer de Tripoli en 2020, les tentatives de médiation se sont multipliées.

Un accord de cessez-le-feu a été arraché en octobre sous l’égide de l’ONU et, contrairement aux précédents, il semble globalement respecté.

Des pourparlers interlibyens ont débouché ces dernières semaines sur un accord pour des élections en décembre. Un exécutif de transition, composé d’Abdel Hamid Dbeibah et d’un Conseil présidentiel transitoire, a été désigné le 5 février.

L’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye et chef de Manul, Jan Kubis, a entamé mardi sa première visite en Libye où il a rencontré des responsables libyens.

« Dix ans après la révolution, le peuple libyen a enfin une véritable chance d’atteindre les objectifs de la révolution », en construisant notamment « un État uni et réellement souverain », a-t-il dit sur sa page Facebook.