(La Haye) La Cour pénale internationale a jugé coupable jeudi de crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Ouganda Dominic Ongwen, un ancien enfant soldat devenu commandant du groupe rebelle ougandais L’Armée de résistance du Seigneur (LRA).

Dominic Ongwen, 45 ans, a été reconnu coupable de 61 chefs d’accusation, dont celui de grossesse forcée qui n’avait jusqu’à présent jamais été prononcé par la CPI.

Selon le tribunal, M. Ongwen a ordonné au début des années 2000 des attaques contre des camps de réfugiés, alors qu’il était l’un des commandants de la LRA, dirigée alors par le fugitif Joseph Kony et qui a mené une guerre brutale en Ouganda et dans trois autres pays afin d’établir un État basé sur les dix commandements de la Bible.

« Sa culpabilité a été établie au-delà de tout doute raisonnable », a déclaré le président de la cour Bertram Schmitt, prononçant le verdict à l’encontre de Dominic Ongwen, surnommé la « fourmi blanche », jugé notamment pour meurtre, viol, esclavage sexuel et conscription d’enfants soldats.

Dominic Ongwen a nié l’ensemble des accusations « au nom de Dieu » et ses avocats avaient plaidé l’acquittement, soulignant qu’il avait lui-même été victime de la brutalité du groupe rebelle qui l’avait enlevé à l’âge d’environ neuf ans.

« La chambre est consciente qu’il a beaucoup souffert », a déclaré le juge Schmitt. « Cependant, il s’agit dans cette affaire de crimes commis par Dominic Ongwen en tant qu’adulte responsable et commandant de l’Armée de résistance du Seigneur. »

« La chambre n’a pas trouvé de preuves confirmant l’affirmation de la défense selon laquelle il souffrait d’une maladie mentale ou qu’il avait commis ces crimes sous la contrainte », a déclaré Bertram Schmitt.

La Cour doit prononcer la peine de M. Ongwen à une date ultérieure. Il encourt la perpétuité.

Des enfants « jetés dans des maisons en feu »

Fondée il y a trois décennies par Joseph Kony, un ancien enfant de chœur catholique devenu prophète autoproclamé, la LRA a lancé une rébellion sanglante contre le président Yoweri Museveni dans le nord de l’Ouganda.

Selon l’ONU, les rebelles ont massacré plus de 100 000 personnes et enlevé 60 000 enfants lors de violences qui se sont étendues à trois autres pays africains : le Soudan, la République démocratique du Congo et la République centrafricaine.

Les juges ont déclaré que Dominic Ongwen a ordonné à ses soldats de commettre des massacres de civils dans les camps de réfugiés de Lukodi, Pajule, Odek et Abok, en Ouganda.

Des enfants et des mères, portant leurs nourrissons sur le dos, figurent sur la liste des personnes tuées, a déclaré le juge Bertram Schmitt, qui a lu les noms des victimes.

« Des enfants ont été jetés dans des maisons en feu, certains ont été placés dans un sac en polyéthylène et battus à mort », a déclaré Bertram Schmitt.

En tant que commandant de la brigade Sinia, M. Ongwen est également responsable de l’enlèvement de filles afin d’en faire des domestiques et des esclaves sexuels, ainsi que de garçons qui devaient servir de soldats, ont déclaré les juges.

Entre 2002 et 2005, sept femmes ont été forcées à être les « épouses » de Dominic Ongwen, deux d’entre elles donnant naissance à des enfants, ce qui a conduit à une condamnation historique de la CPI pour grossesse forcée.

« Il mérite la mort »

À Lukodi (Ouganda), théâtre d’un des massacres, des survivants, comme Mohammed Olanya qui a vu « 15 membres de (sa) famille tués lors de l’attaque », des victimes et d’anciens combattants rebelles ont suivi l’audience sur un poste de radio fourni par un dirigeant local, avant de laisser éclater leur joie à l’annonce du verdict.

« Bien ! », a crié Angelina Okiror, une habitante de Lukodi de 38 ans.

« Enfin, la justice a été rendue », s’est félicitée Ann Maria Angwech, 43 ans. « Parce qu’Ongwen a tué, il mérite la mort, parce que de sa main il a emporté des vies innocentes et laiss les survivants dans la misère », a-t-elle estimé.

Human Rights Watch a salué un verdict « historique ».

Dominic Ongwen s’était rendu début 2015 aux forces spéciales américaines qui traquaient Joseph Kony en République centrafricaine, avant d’être transféré à la CPI.

Joseph Kony, quant à lui, est considéré comme toujours en fuite et fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI.