(Rabat) L’historien et défenseur des droits humains Maati Monjib a été condamné à un an de prison ferme pour « fraude » et « atteinte à la sécurité de l’État », lors d’une audience à Rabat dont il n’a pas été prévenu, a-t-on appris jeudi auprès de son avocat.

Ni l’intellectuel de 60 ans, actuellement en détention préventive, ni ses avocats n’ont été « notifiés que le verdict allait tomber » mercredi, dans le cadre d’un procès ouvert en 2015, a indiqué à l’AFP Me Abdelaziz Nouidi.  

M. Monjib, qui a par le passé accusé ouvertement son pays de « terroriser les journalistes et les opposants en général », était resté en liberté jusqu’à son interpellation fin décembre pour des soupçons de « blanchiment d’argent ».  

Six autres journalistes et militants visés

Le jugement de mercredi, qui concerne six autres journalistes et militants des droits humains marocains, a été publié sur un site du ministère de la Justice accessible aux avocats. C’est ainsi que ses défenseurs en ont pris connaissance, selon la même source.

Toutes les audiences de ce procès, visant des malversations liées à la gestion d’un centre créé par M. Monjib pour promouvoir notamment le journalisme d’investigation, avaient été systématiquement renvoyées.

Parmi les autres prévenus, trois ont écopé d’un an de prison ferme, un autre de trois mois avec sursis et les deux derniers devront verser des amendes symboliques de 5000 dirhams (715 dollars canadiens).  

Trois d’entre eux ont quitté le Maroc avant d’obtenir l’asile politique en France et aux Pays-Bas. Il n’a pas été possible de savoir si les autres accusés étaient présents à l’audience de mercredi.

Le tribunal de Rabat a également condamné M. Monjib à une amende de 15 000 dirhams (2145 dollars canadiens).  

Depuis son arrestation, plusieurs organisations défendant les droits humains, dont Amnistie internationale, ont appelé Rabat à le « libérer immédiatement et sans conditions ».

Free Press Unlimited, une des ONG ayant contribué au financement du centre de M. Monjib, avait souligné mi-janvier qu’il « devrait être acquitté ».  

En 2019, le Maroc a intensifié sa répression contre des commentateurs des réseaux sociaux, des artistes et des journalistes exprimant des opinions critiques à l’égard de la monarchie ».

Human Rights Watch, dans son dernier rapport annuel

À Rabat, la Délégation interministérielle aux droits de l’Homme a « catégoriquement » rejeté ces « mensonges » sur l’état de la liberté d’expression. Les autorités marocaines insistent régulièrement sur « l’indépendance de la justice » du royaume.

« Harcèlement judiciaire et policier », dit RSF

En 2017, avant le sixième report du procès, Reporters sans frontières (RSF) avait réitéré son « soutien indéfectible aux sept journalistes » poursuivis en affirmant que les renvois constituaient un « supplice moral » pour les accusés qui risquaient jusqu’à cinq ans de prison.  

Début janvier, RSF a dénoncé un « véritable harcèlement judiciaire, policier et médiatique » contre M. Monjib.  

La justice marocaine a en effet ouvert en octobre une nouvelle enquête pour « blanchiment de capitaux » contre l’historien, entrainant son placement en détention préventive.

La procédure avait été déclenchée par la saisine du ministère public par une unité d’investigation spécialisée concernant un « inventaire de transferts de fonds importants et une liste de biens immobiliers » qui « ne correspondent pas aux revenus habituels déclarés par M. Monjib et des membres de sa famille », selon le communiqué de l’époque.    

L’historien avait alors affirmé sur sa page Facebook que les faits n’étaient « pas nouveaux » et correspondaient au procès en cours. « Je suis innocent de toutes ces accusations diffamatoires. »

« Le but de ces poursuites est de me sanctionner à cause d’une récente déclaration à la radio dans laquelle je parle du rôle de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST, renseignement intérieur) dans la répression des opposants et la gestion des affaires politiques et médiatiques au Maroc », avait-il affirmé.