(Washington) Le futur secrétaire d’État américain Antony Blinken a promis mardi de « réexaminer immédiatement » le classement des rebelles du Yémen comme « organisation terroriste », décidé par son prédécesseur malgré les craintes d’aggravation de la crise humanitaire, et de mettre fin au soutien américain à la campagne militaire menée par l’Arabie saoudite dans ce pays.

« Nous allons proposer de réexaminer immédiatement cela pour nous assurer que ce que nous faisons n’entrave pas l’acheminement de l’aide humanitaire » au Yémen, a-t-il dit devant les sénateurs américains appelés à confirmer sa nomination.

Le département du Trésor américain a annoncé mardi des exemptions aux sanctions pour « certaines transactions » liées à l’exportation de produits agricoles, de médicaments ou de matériel médical.

Il exempte également les ONG qui soutiennent des « projets humanitaires » ainsi que les « activités officielles » du gouvernement américain, de l’ONU ou encore du Comité international de la Croix-Rouge, « dans la mesure où les transactions sont soumises à la juridiction américaine ».

L’inscription sur la liste noire des rebelles houthis soutenus par l’Iran, annoncée par l’administration républicaine sortante de Donald Trump, est entrée en vigueur mardi et des élus démocrates ont déjà appelé le président désigné Joe Biden à revenir sur cette décision.

Le secrétaire d’État sortant Mike Pompeo estime que l’inscription sur la liste noire, en faisant pression sur les rebelles, est de nature à relancer des négociations politiques dans l’impasse, alors que pour l’ONU elle risque d’entraver au contraire les efforts en cours en radicalisant les positions.

Les dérogations accordées mardi par le Trésor américain visent à limiter l’impact sur l’aide humanitaire internationale de la décision de classement des houthis, qui s’accompagne de sanctions potentielles pour ceux qui entretiennent des relations avec eux.

Mais Antony Blinken a aussitôt jugé qu’elles étaient insuffisantes, tout comme l’ONU.

« Notre position à ce sujet n’a pas changé » et « nous demandons au gouvernement d’annuler cette décision », a déclaré le porte-parole des Nations unies Stéphane Dujarric lors de son point-presse quotidien.

Le Trésor a précisé dans un communiqué que les dérogations accordées bénéficieraient à l’ONU et à ses agences, à des ONG, au Comité international de la Croix-Rouge ou à la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant rouge.

« Notre préoccupation depuis le début, que nous avons exprimée très clairement, est l’impact sur le secteur commercial, alors que la grande majorité des denrées alimentaires et autres fournitures de base arrivant au Yémen proviennent du secteur commercial », a expliqué le porte-parole de l’ONU.

Risque de famine

La semaine dernière, plusieurs hauts responsables de l’ONU avaient réclamé à Washington d’annuler sa mesure, mettant en garde contre le risque d’une famine au Yémen sans précédent depuis une quarantaine d’années.

Ses détracteurs estiment que la décision américaine va paralyser l’acheminement de l’aide humanitaire en s’opposant aux contacts avec des responsables houthis, à la gestion des impôts, l’utilisation du système bancaire, le paiement du personnel médical ou l’achat de nourriture et pétrole.

Le conflit qui ravage le Yémen depuis plus de cinq ans a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et mis sa population au bord de la famine. Il oppose les rebelles houthis, soutenus par l’Iran, au gouvernement appuyé par une coalition militaire menée par l’Arabie saoudite.

Le soutien américain à cette coalition, notamment en équipement militaire, a souvent été critiqué par des organisations de défense des droits humains mais aussi des élus américains en raison de nombreuses bavures contre les civils.

« Le président désigné a clairement dit que nous allions mettre fin à notre soutien à la campagne militaire menée par l’Arabie saoudite au Yémen », a affirmé Antony Blinken. « Nous allons faire cela très rapidement. »

Il a estimé que si les houthis portaient « une grande responsabilité » dans la crise humanitaire au Yémen, « la pire au monde », la coalition saoudienne avait « aussi contribué de manière significative à cette situation ».