L’arrestation, à la suite de nombreuses dénonciations en ligne, d’un étudiant soupçonné d’avoir harcelé et agressé sexuellement des dizaines d’Égyptiennes est considérée comme un évènement marquant dans un pays où l’impunité pour ce type de crime a longtemps été la norme.

L’homme de 21 ans, Ahmed Bassam Zaki, a été appréhendé au Caire quelques jours après l’apparition sur Instagram le 1er juillet d’un compte invitant ses victimes éventuelles à le dénoncer, si possible preuves à l’appui.

« Il s’en sort depuis cinq ans sans avoir à subir de conséquences pour ses actions », ont indiqué les responsables de la page sous le couvert de l’anonymat, avant de voir affluer les témoignages par dizaines.

Plusieurs d’entre eux comportaient des enregistrements et des messages textes imputés à Zaki, qui avait été renvoyé d’une prestigieuse université de la capitale l’année dernière à la suite d’une plainte pour harcèlement.

La justice égyptienne a annoncé lundi que le prévenu serait maintenu en détention pour une période additionnelle de deux semaines pendant que les autorités poursuivent leur enquête.

Le procureur au dossier a indiqué qu’une demi-douzaine de femmes avaient porté plainte formellement, dont une mineure, et que les preuves recueillies à ce jour étaient suffisantes pour formaliser une série d’accusations.

Le suspect aurait notamment tenté d’agresser sexuellement deux femmes et cherché ensuite à les forcer à le revoir en menaçant de dévoiler des informations embarrassantes à leur famille.

La peur de la stigmatisation est courante en Égypte parmi les victimes d’agression sexuelle, qui se font souvent reprocher d’avoir encouragé par leur comportement ou leur habillement le passage à l’acte de l’agresseur.

Dangereuse impunité

Dans un rapport paru en 2014, plusieurs organisations de défense des droits des femmes du pays relevaient que la plupart des cas ne sont jamais signalés à la police. Ce fait favorise une impunité qui encourage la violence.

Le même rapport rappelait que les agressions sexuelles représentent une véritable épidémie en Égypte et ont perduré sous plusieurs régimes qui les ont parfois utilisées pour chasser les femmes de l’espace public, comme ce fut le cas notamment sur la place Tahir dans les années ayant suivi la chute du président Hosni Moubarak.

99 % Proportion des Égyptiennes interviewées dans le cadre d’une étude des Nations unies en 2013 qui ont indiqué qu’elles avaient déjà subi du harcèlement sexuel

Une étude précédente avait révélé par ailleurs que 85 % des Égyptiens reconnaissaient avoir déjà harcelé sexuellement une femme.

Le mouvement #metoo, qui a trouvé d’importants échos en Égypte en 2018, a lancé une transformation qui arrive aujourd’hui à un moment charnière, selon certaines féministes.

Sabah Khodir, une militante qui a aidé à recueillir des témoignages contre Ahmed Bassan Zaki, s’est félicitée il y a quelques jours sur Twitter de contribuer par son action « à détruire le patriarcat et la culture du viol » dans le pays.

Les victimes mieux protégées

Elle a salué par ailleurs la décision du gouvernement égyptien de voter cette semaine une loi qui permet, au système judiciaire, de « protéger l’identité » des plaignantes pour éviter qu’elles puissent subir des mesures de rétorsion.

Maya Morsi, qui préside le Conseil national de la femme, a indiqué dans un communiqué que l’État égyptien confirmait, par cette loi, sa volonté de s’attaquer aux agressions sexuelles en « donnant une poussée » aux victimes pour les amener à témoigner sans peur.

Al-Azhar, un prestigieux établissement islamique au Caire, est intervenu dans la même veine pour inciter les victimes d’agression sexuelle à porter plainte en justice.

« Le fait de se taire ou de détourner le regard face à ces crimes menace la sécurité de l’ensemble de la société et encourage les abus », ont prévenu ses dirigeants.