Le gouvernement sud-africain, qui impose depuis la fin du mois de mars un strict confinement à la population du pays, entend déployer des dizaines de milliers de soldats pour porter assistance à la police et assurer le maintien de l’ordre.

La décision du président Cyril Ramaphosa survient après que des manifestations de colère liées à l’accès à la nourriture ont été signalées dans les secteurs défavorisés de plusieurs grandes villes du pays.

La semaine dernière, les médias locaux ont fait état notamment d’affrontements dans un township du Cap où des résidants furieux de ne pas bénéficier d’une aide alimentaire ont croisé le fer avec les forces de sécurité.

Des scènes de pillage ont aussi été rapportées à Johannesburg, où nombre de personnes subsistent au jour le jour de travaux liés au secteur informel de l’économie. Le confinement les prive de leur gagne-pain.

Pauvreté

Julian May, professeur rattaché à l’Université du Cap-Occidental, au Cap, note que plusieurs familles ont pu survivre dans les premières semaines grâce à des allocations distribuées par le gouvernement pour les enfants et les aînés.

La fermeture initiale de plusieurs commerces aménagés à même les habitations et l’interdiction des vendeurs de rue a forcé nombre de personnes dans les townships à se déplacer vers des secteurs plus aisés afin de s’approvisionner dans des magasins établis, exacerbant les difficultés.

La situation est devenue plus tendue à la troisième et à la quatrième semaine lorsque les gens ont commencé à manquer d’argent.

Julian May, professeur rattaché à l’Université du Cap-Occidental

Le chercheur insiste par contre sur le caractère somme toute limité des manifestations. « C’est plutôt petit pour un pays qui compte 58 millions d’habitants », relève-t-il.

Le gouvernement interdit aux gens de sortir sauf pour aller se procurer de la nourriture ou obtenir des soins médicaux. Seuls les services essentiels sont maintenus. La vente et la distribution d’alcool sont interdites, ce qui renforce la grogne.

Les corps policiers appelés à garantir le respect des restrictions avec l’appui de l’armée utilisent une approche musclée, qui a suscité beaucoup de critiques.

La famille d’un homme de Johannesburg qui a succombé le Vendredi saint affirme qu’il a été battu à mort après que les forces de l’ordre eurent trouvé un verre avec de l’alcool dans sa cour.

Ils demandent, selon le Mail & Guardian, un quotidien local, que le plus haut tribunal du pays intervienne pour garantir que les responsables seront sanctionnés et que les pouvoirs des militaires et de la police sont bien balisés.

« Pas la loi martiale »

M. May note que les propos « malheureux » de certains élus de haut rang ont pu donner l’impression au début du confinement que les forces de sécurité disposaient de pouvoirs plus étendus que ne le prévoit le décret adopté par le gouvernement pour lutter contre la pandémie.

« Ce n’est pas la loi martiale qui a été mise en place », souligne le professeur.

L’ajout de dizaines de milliers de soldats risque de créer des tensions additionnelles au dire de l’opposition, qui parlait mercredi, selon l’Agence France-Presse, du plus important déploiement de militaires dans le pays depuis la fin de l’apartheid en 1994.

Le gouvernement, par l’entremise de la ministre de la Défense, a indiqué que ces forces additionnelles étaient nécessaires pour s’assurer que la population « comprend bien » la nécessité du confinement, prévu a priori jusqu’à la fin du mois d’avril.

Lors d’une allocution publique mardi, le président Ramaphosa n’a pas évoqué le recours accru aux militaires, focalisant plutôt l’attention sur un important plan d’aide économique et social qui prévoit notamment de doubler les allocations pour les enfants et pour les aînés.

Il a défendu à cette occasion le confinement comme une « nécessité absolue » en prévenant ses compatriotes que son impact économique « dévastateur » ne pouvait être comparé à la « catastrophe » qui découlerait d’une levée des mesures de distanciation physique.

Le pari semble jusqu’à maintenant avoir donné de bons résultats sur le plan sanitaire pour le pays, qui recensait officiellement mercredi 3635 cas d’infections et 65 morts.

Il demeure malgré tout le plus touché en Afrique, où la pandémie est arrivée plus tardivement.