(Le Caire) L’ex-président égyptien Hosni Moubarak, contraint à la démission après le soulèvement populaire de 2011, est mort mardi à l’âge de 91 ans à l’hôpital militaire Galaa au Caire, a indiqué à l’AFP son beau-frère le général Mounir Thabet.

La famille se trouvait toujours à l’hôpital mardi en milieu de journée, a ajouté le général en précisant que la présidence égyptienne se chargerait d’organiser les funérailles de Moubarak, qui a dirigé l’Égypte pendant trois décennies.

Le 24 janvier, son fils, Alaa Moubarak avait indiqué sur Twitter que son père avait subi « une opération chirurgicale et […] qu’il se portait bien, grâce à Dieu ».  

Depuis sa destitution, la santé fragile de M.  Moubarak a été l’objet d’incessantes spéculations et d’informations contradictoires faisant état tour à tour de dépression aiguë, d’un cancer, d’accidents cardiaques ou de problèmes respiratoires.

Ce dernier a régulièrement été hospitalisé et admis en soins intensifs, depuis qu’il a quitté le pouvoir.

La nouvelle de son décès a été confirmée et relayée par la télévision égyptienne et les grands titres de la presse locale, tels que le journal al-Ahram.

Parmi les premières réactions, la présidence actuelle a publié un communiqué présentant ses condoléances à la famille de l’ancien autocrate, présenté comme l’un des « héros de la guerre d’octobre 1973 (NDRL : contre Israël) », durant laquelle il avait dirigé l’armée de l’air.

À l’autre bout du spectre politique, Mohamed el-Baradei, prix Nobel et figure de proue de l’opposition libérale à l’ancien autocrate, a également présenté ses condoléances à la famille du défunt.

Moubarak, l’autocrate déchu à l’image corrompue

(Emmanuel Parisse) - Hosni Moubarak a promené sa silhouette trapue et ses lunettes noires pendant 30 ans sur la scène internationale, mais dans l’histoire, l’ex-président égyptien – détrôné lors du Printemps arabe – restera le dirigeant d’un régime corrompu.

Décédé mardi à l’âge de 91 ans, l’ancien raïs avait été contraint à la démission devant le soulèvement populaire de 2011, alors qu’il était devenu l’un des dirigeants africains les plus anciens.

Hosni Moubarak est vice-président le 6 octobre 1981 lorsque son destin bascule. Assis en grand uniforme aux côtés d’Anouar el-Sadate lors d’un défilé militaire, il échappe aux balles des islamistes visant le président égyptien, artisan d’un accord de paix avec Israël signé deux ans plus tôt.

Légèrement blessé dans l’attentat, cet ancien pilote de chasse, connu pour sa santé de fer et son mode vie ascétique, remplace alors le président assassiné à la tête du pays. Sa « baraka » devait ensuite lui servir pour échapper à six autres tentatives d’assassinat.

Il s’installe à la tête du pays, maintenant en place pendant trois décennies l’état d’urgence décrété après l’attentat.

« L’histoire me jugera »

Mais comparé à ses prédécesseurs – le charismatique Gamal Abdel Nasser et le politicien rusé Sadate – il fait pâle figure et sera rapidement surnommé « la vache qui rit », pour sa ressemblance supposée avec la célèbre mascotte du fromage français.

Bien avant sa chute, ses détracteurs lui ont reproché d’être corrompu, de manquer de charisme et de ne pas mener à bien les réformes nécessaires.

« Il avait cette image de personnage corrompu à travers les activités de ses fils et ses liens avec les hommes d’affaires du pays », raconte Mostafa Kamel el-Sayyed, professeur de sciences politiques à l’université du Caire en évoquant les affaires sulfureuses des deux fils Alaa et Gamal.

Après sa chute, le président a dû répondre à une série d’accusations de corruption. Lui et ses deux fils ont notamment été condamnés à trois ans de prison pour un détournement de quelque 10 millions d’euros.

Toutefois, « l’économie a eu un taux de croissance respectable » pendant les années Moubarak, nuance M. el-Sayyed, avant de préciser que la période a été également marquée par « un certain degré de liberté d’expression, avec des télévisions indépendantes et des journaux d’opposition » autorisés sous la pression de l’allié américain.

Jusqu’au dernier moment, le président a défendu son bilan : le 1er février 2011, en plein soulèvement populaire qui devait précipiter sa chute, il déclarait : « Ce pays, j’y ai vécu, j’ai fait la guerre pour lui, et l’histoire me jugera ».

Pragmatique, volontiers patelin, aimant les tournées à travers le pays, il est pourtant très vite apparu comme coupé du peuple et orgueilleux, s’appuyant sur un redoutable appareil policier et un système politique dominé par un parti unique à sa dévotion.

Des élections sont organisées sur fond de soupçons de fraude. En 2005, il l’emporte haut la main et son principal opposant Ayman Nour est mis en prison.

S’il s’est montré un adversaire résolu de l’islamisme radical façon Al-Qaïda, il n’a pas réussi à endiguer la montée progressive de l’islam traditionaliste des Frères musulmans.

Pilier modéré

En politique étrangère, M. Moubarak est resté résolument proaméricain, préservant l’accord de paix avec Israël. S’imposant comme une figure familière des réunions internationales, il a fait de son pays un pilier modéré au sein du monde arabe.

Né le 4 mai 1928 dans une famille de la petite bourgeoisie rurale du delta du Nil, Mohammed Hosni Moubarak a été pilote de Spitfire dans les années 1950, avant de gravir un à un les échelons de la hiérarchie. Chef de l’armée de l’air pendant la guerre du Kippour en 1973, il était nommé vice-président deux ans après.

A ses côtés, Suzanne, son épouse, a marqué la présidence de son empreinte en intervenant dans le domaine des inégalités entre hommes et femmes, donnant ainsi à son mari une image moderne.

L’ancien autocrate, qui avait espéré passer le flambeau à son fils Gamal provoquant la colère des Égyptiens, a finalement été détrôné par le Printemps arabe.

Par la suite, il est apparu malade devant un tribunal, transporté sur une civière dans une cage métallique. Sa santé a été l’objet depuis sa chute d’incessantes spéculations faisant état tour à tour de dépression aiguë, de cancer, d’accident cardiaque ou de problèmes respiratoires.

Premier président égyptien a avoir été traduit en justice, il n’a été autorisé à quitter l’hôpital militaire où il était détenu qu’en mars 2017. Il avait notamment été condamné à la perpétuité, puis acquitté, pour complicité dans la mort de 846 manifestants durant la révolte.

Les grandes dates d’Hosni Moubarak

Les grandes dates de la vie de l’ex-président égyptien Hosni Moubarak, décédé mardi et chassé du pouvoir en février 2011 lors d’un soulèvement populaire qui a secoué l’Égypte dans le contexte du Printemps arabe

- 4 mai 1928 : Naissance à Kafr-el-Meselha, dans le delta du Nil.

- 1950 : Il entre à l’Académie de l’Armée de l’air égyptienne.

- 1972 : Il devient commandant en chef des forces aériennes et ministre des Affaires militaires.

- Avril 1975 : Il est nommé vice-président de la République.

- 1978 : Il devient vice-président du Parti national démocrate (PND) au pouvoir.

- 1981 : Il succède au président Anouar al-Sadate, assassiné par des islamistes, le 6 octobre au Caire.

- 11 février 2011 : Après 30 ans au pouvoir, il doit démissionner au 18e jour d’une révolte populaire.

- 2 juin 2012 : Il est condamné à la prison à vie pour complicité dans la mort de manifestants, mais la justice ordonne un nouveau procès.

- Novembre 2014 : Un autre tribunal ordonne l’abandon des accusations, blanchissant Moubarak, mais le parquet introduit un recours en cassation.

- Janvier 2016 : La cour d’appel confirme une peine de trois ans de prison pour Moubarak et ses deux fils, Alaa et Gamal, dans une affaire de corruption.

- Mars 2017 : Acquitté définitivement dans le procès pour la mort de manifestants, puis libéré de l’hôpital militaire du Caire où il a été détenu quasiment sans discontinuité depuis 2011.

- 25 février 2020 : Mort d’Hosni Moubarak dans un hôpital militaire au Caire.