(Bruxelles) L’Union européenne est parvenue lundi à un accord pour déployer des navires de guerre à l’est de la Libye afin d’empêcher les livraisons d’armes à ce pays, à la condition, exigée par plusieurs pays, de ne pas laisser cette opération navale encourager les traversées de migrants.

« Nous sommes parvenus à un accord politique à l’unanimité, ce que je pensais impossible à mon arrivée », a annoncé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell à l’issue d’une réunion avec les ministres des Affaires étrangères de l’UE.

Embargo sur les livraisons d’armes

Des navires de guerre seront envoyés fin mars dans les eaux à l’est de la Libye, loin des routes des migrants, pour contrôler le respect de l’embargo décrété par les Nations unies sur les livraisons d’armes à la Libye, a-t-il expliqué.

S’il est constaté que leur présence a pour effet d’attirer des embarcations transportant des migrants, ils seront retirés de la zone, a-t-il averti.

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Deux frégates multirôles italiennes.

Cette solution a permis de lever les réticences de l’Autriche et de l’Italie, a commenté le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn. L’unanimité était nécessaire pour lancer cette nouvelle mission.

L’UE a lancé en 2015 une opération navale baptisée Sophia pour lutter contre les trafiquants d’êtres humains et contrôler le respect de l’embargo de l’ONU sur les armes à destination de la Libye.

Mission précédente dénoncée par l'Autriche

Mais le chancelier autrichien Sebastian Kurz l’accusait d’être « un billet d’entrée en Europe pour des milliers de migrants clandestins » en raison du nombre de migrants repêchés en mer au large des côtes de la Libye et réclamait la fin de la mission.

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Des migrants repêchés par le navire Ocean Viking en Méditerranée en 2019.

Josep Borrell a récusé ces affirmations « entachées d’idéologie », mais a souligné la nécessité de parvenir à un accord acceptable par tous les pays, y compris ceux préoccupés par un risque d’appel d’air pour les clandestins.

« Ce fut une très longue et très difficile discussion et à la fin, nous avons trouvé une solution médiane », a-t-il reconnu.

« La zone d’actions pour la nouvelle mission navale ne sera pas celle de Sophia, qui couvrait toutes les côtes de la Libye. Elle sera concentrée à l’est, là où les passages d’armes se font », a-t-il précisé.

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La surveillance maritime se fera à l'est de la Libye, au large de Benghazi et au delà, là où passent les armes en provenance de la Turquie, entre autres.

« La mission Sophia en Méditerranée est terminée », a annoncé avec satisfaction le ministre autrichien des Affaires étrangères Alexander Schallenberg. « L’Italie a été écoutée », s’est pour sa part félicité son homologue italien Luigi di Maio.

Refus de l'Italie de prendre plus de migrants

Le mandat de Sophia avait été prolongé jusqu’au 31 mars 2020, mais elle n’était plus opérationnelle en mer depuis le printemps 2019 à cause du refus de l’Italie de laisser débarquer sur son territoire les migrants sauvés en mer faute d’accord entre les États de l’UE pour les prendre en charge.

Plusieurs points restent encore à discuter avant de lancer la nouvelle opération. Ils devraient être résolus pour la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères le 23 mars, avant la fin de Sophia, a assuré Josep Borrel.

Un des points délicats sera la question des sauvetages en mer. « Les naufragés pourraient être pris en charge par le pays du pavillon du navire ou sinon, il faudra utiliser la rotation des ports pour les débarquements », a suggéré le ministre italien.

Plusieurs pays ont annoncé être prêts à engager des navires de guerre dans cette nouvelle mission. Le Luxembourg financera des avions de reconnaissance, selon Jean Asselborn.

Intercepter des navires pleins de mercenaires

Josep Borrell a reconnu que la nouvelle opération comporte des risques.

Ce ne sera pas une promenade », a-t-il averti. Il faudra contrôler les navires soupçonnés de se livrer au trafic d’armes et d’acheminer des mercenaires et donc les engager.

Josep Borrell, ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne.

Mais l’UE ne pourra pas contrôler les livraisons acheminées par avion ou par la route. « Il est très difficile d’agir à la frontière de deux États souverains », a expliqué Josep Borrell.

Le gouvernement de Tripoli a le soutien affiché de la Turquie. L’homme fort de l’Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar, est notamment aidé par la Russie et l’Égypte.