Le chef de guerre Bosco Ntaganda a été reconnu coupable pour des exactions commises au Congo en 2002 et en 2003.

Un chef de guerre d’origine rwandaise qui a semé la terreur en République démocratique du Congo pendant des années vient d’être jugé coupable d’une série de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI).

La condamnation de Bosco Ntaganda, surnommé le « Terminator », a été accueillie avec enthousiasme hier par Human Rights Watch. « Ça fait longtemps qu’on attendait ça », a indiqué Maria Elena Vignoli, qui est rattachée au programme de justice internationale de l’organisation.

La militante a invité du même coup les procureurs de la CPI à élargir le champ de leurs enquêtes pour aborder le rôle joué « par certains responsables politiques et militaires de haut rang congolais, rwandais et ougandais » dans la mise sur pied des groupes armés ayant commis des atrocités dans le pays.

Le fait que ces responsables n’aient pas encore été ciblés entretient un certain sentiment d’impunité et contribue à la violence qui continue aujourd’hui de secouer le Congo, dit-elle.

« Soutien » du Rwanda

Le jugement rendu à l’encontre de Bosco Ntaganda souligne le « soutien » apporté par le Rwanda aux forces qu’il chapeautait au début des années 2000, mais précise que l’implication d’États étrangers « ne s’apparentait pas à un contrôle global » permettant de « qualifier le conflit d’international ».

Les magistrats précisent notamment que les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) ont été constituées en mai 2002 et que des armes suffisantes pour plus de 1800 recrues ont été « livrées par voie aérienne depuis le Rwanda ».

Ils relèvent par ailleurs que les recrues et les soldats des FPLC ont appris à manipuler les armes lourdes dans ce petit pays, dirigé d’une main de fer depuis 1994 par le président Paul Kagame.

Bosco Ntaganda, Tutsi né au Rwanda, a lutté au sein du Front patriotique rwandais (FPR) contre le génocide avant de passer au Congo, où il a combattu aussi bien au sein de groupes rebelles qu’au sein de l’armée officielle, selon l’évolution des jeux de pouvoir.

Exactions contre l’ethnie lendu

C’est pour des exactions perpétrées en 2002 et en 2003 dans une province riche en minéraux du nord-est du pays, l’Ituri, que le chef de guerre a été condamné.

Selon la CPI, Bosco Ntaganda et d’autres chefs militaires, dont Thomas Lubanga, déjà condamné par le tribunal à 14 ans de prison, ont convenu d’un plan pour chasser de la région les membres de l’ethnie lendu.

Ils ont décidé, pour éviter leur éventuel retour, de commettre contre les civils des meurtres et des viols tout en s’appropriant ou en détruisant leurs biens.

Bosco Ntaganda, qui était tenu en « haute estime » dans les rangs des FPLC, encourageait et « approuvait le comportement criminel » des soldats et n’hésitait pas à donner personnellement l’exemple par ses actions. 

Ntaganda a notamment tué par balle un abbé âgé qui officiait dans une ville stratégique.

Lors de la prise de la ville de Kabu en février 2003, une cinquantaine de civils ont été massacrés avec des bâtons, des couteaux et des matraques.

« Les corps d’hommes, de femmes, d’enfants et de bébés ont été retrouvés dans les champs de bananiers les jours suivants. Des cadavres étaient nus, certaines avaient les mains liées, et d’autres la tête écrasée. Plusieurs corps avaient été éventrés ou avaient subi d’autres mutilations », relève le jugement.

L’accusé a aussi été jugé coupable d’avoir recruté de nombreux enfants âgés de moins de 15 ans, notamment des adolescentes qui étaient régulièrement soumises à des violences sexuelles.

« Crimes atroces »

Mme Vignoli, qui a déjà séjourné en Ituri, note que l’accusé était honni dans la région. « Tout le monde pensait que c’était un criminel qui devait faire face à la justice », relève-t-elle.

Amnistie internationale a dit espérer hier que la décision « apporte un peu de consolation aux personnes touchées par les crimes atroces perpétrés par Bosco Ntaganda », qui peut décider de porter la cause en appel. Une audience est prévue dans quelques semaines pour déterminer sa peine.

L’ex-militaire est la quatrième personne jugée par la CPI, qui a lancé par ailleurs un mandat d’arrêt ciblant le commandant d’un groupe armé formé majoritairement de Hutus rwandais.

Maria Elena Vignoli dit espérer que le gouvernement congolais et le tribunal international travailleront ensemble pour obtenir d’autres condamnations.

Bosco Ntaganda en quelques dates

1973 : Naissance au Rwanda 1994 : Combat au sein du Front patriotique rwandais, qui met fin au génocide 1999 : S’établit dans la province congolaise de l’Ituri avec des rebelles après un passage dans l’armée congolaise 2002 : Rejoint un autre groupe rebelle, qui chapeaute les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), responsables des exactions devant mener à sa condamnation 2008 : Le mandat d’arrêt de la CPI est rendu public 2009 : Promu général dans l’armée congolaise et commandant adjoint des opérations militaires dans l’est du pays 2012 : Crée un nouveau groupe rebelle après avoir incité ses partisans à quitter l’armée congolaise 2013 : Se constitue prisonnier, à Kigali, à l’ambassade des États-Unis qui le transfère à la CPI 2019 : Déclaré coupable de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité Source : Cour pénale internationale