(Pietermaritzburg) L’ex-président sud-africain Jacob Zuma a plaidé lundi devant la justice et ses partisans pour l’abandon des accusations de corruption, dénonçant une « chasse aux sorcières » lancée il y a vingt ans dans une rocambolesque affaire de ventes d’armes.

Énième épisode de ce feuilleton politico-judiciaire à rebondissements, la Haute Cour de Pietermaritzburg (nord-est) a commencé à entendre lundi les arguments des avocats de M. Zuma, qui ont dénoncé le « lynchage » de leur client.

L’ancien chef de l’État (2009-2018) est soupçonné d’avoir touché pour 4 millions de rands (260 000 euros au cours actuel) de pots-de-vin du groupe français de défense Thales à la faveur d’un contrat d’armement de près de 4 milliards d’euros conclu en 1999.

Selon l’accusation, il a été rémunéré pour éviter à Thales des poursuites pour corruption, via son ami et conseiller financier, Schabir Shaik, condamné pour sa participation à cette affaire à quinze ans de prison dès… 2005.

Les deux parties ont toujours nié ces allégations.

À l’époque des faits, M. Zuma était ministre de sa province du KwaZulu-Natal (nord-est), avant de devenir vice-président du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, puis du pays (1999-2005).

À l’issue de l’audience lundi, il a résumé la plaidoirie de ses conseils en affirmant qu’il était temps d’abandonner les charges qui pèsent sur lui depuis au moins 2003.

« Mes droits ont été bafoués de façon flagrante, nous en avons la preuve », a-t-il lancé en zoulou devant ses partisans réunis devant le palais de justice de Pietermaritzburg.

« Conspiration »

« Même ceux qui devaient témoigner ont oublié leur témoignage. Certains sont morts. Nous disons que si ce procès continue, ce ne sera plus qu’une chasse aux sorcières », a poursuivi Jacob Zuma, 77 ans. « Procureurs et enquêteurs ont conspiré pour me mettre en prison et m’empêcher de devenir président. »

Avant lui, son avocat Muzi Sikhakhane a développé le même discours devant les juges de la Haute Cour.

« Vous avez le choix entre deux philosophies juridiques », leur a-t-il lancé. « L’une c’est le lynchage […]. L’autre, même si vous pensez que quelqu’un a commis le pire crime […], c’est de le traiter selon les principes constitutionnels, quelle que soit la haine qu’il suscite. »

« Zuma est devenu synonyme de corruption », a déploré M. Sikhakhane, « son nom est devenu synonyme d’actes dont il n’aura pas la chance de se défendre […] ce qui viole les valeurs de notre Constitution ».

Les accusations lancées contre Jacob Zuma ont été suspendues puis rétablies à plusieurs reprises, au gré des recours et de décisions controversées du parquet général (NPA).

Encore plus offensif, son confrère Thabani Masuku a même accusé le NPA d’avoir « violé la Constitution ».

« Il s’agit là de poursuites typiques du temps de l’apartheid », a-t-il souligné, « la seule façon de réparer ce comportement est de mettre un terme définitif aux poursuites ».

« Procès équitable »

Coaccusé, le groupe Thales a également sollicité l’abandon des poursuites qui le visent.

« Considérant les très longs retards de cette procédure, bien que Thales n’ait commis aucune faute, et toute une série de facteurs qu’il ne contrôle pas, (le groupe) est persuadé qu’il n’aura pas un procès équitable », a-t-il indiqué dimanche dans un communiqué.

Le groupe a répété n’avoir « aucune connaissance d’aucune violation de la loi par aucun de ses salariés ».

Les débats doivent se poursuivre jusqu’à vendredi devant le tribunal, qui décidera à une date encore à déterminer de continuer ou d’arrêter le procès de Jacob Zuma.  

Englué dans de nombreux scandales, le président Zuma a été poussé à la démission en 2018 et remplacé par son vice-président Cyril Ramaphosa, qui a promis de nettoyer son parti et le pays de la corruption.

Un an et demi plus tard, M. Zuma dispose encore de soutiens de poids au sein de la direction de l’ANC, comme dans sa province natale du KwaZulu-Natal.

« C’est moche la politique. Certains n’aiment pas Zuma, c’est pour ça qu’ils l’ont renvoyé devant le tribunal », a regretté lundi auprès de l’AFP l’un d’eux, Vukhani Khumalo.

Malgré une popularité en déclin, l’ANC a remporté les législatives du 8 mai. Ses députés doivent élire mercredi M. Ramaphosa pour un nouveau mandat à la tête du pays.