Manifestations, destitution et arrestation de l’ancien président Omar el-Béchir. Les yeux du monde sont tournés vers le Soudan depuis le début de l’année. Le Soudan du Sud, qui vit une crise de réfugiés sans précédent, a beaucoup plus de difficultés à retenir l’attention que son grand frère du Nord, mais nage en pleine catastrophe humanitaire. La crise en six chiffres.

Cinq ans de guerre

PHOTO ZACHARIAS ABUBEKER, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des membres de l’« Armée blanche », milice anti-gouvernement sud-soudanais, en 2014

En 2011, les Soudanais du Sud ont fêté en grande pompe leur accession à l’indépendance après près d’un quart de siècle de combats contre Khartoum, qui ont fait près de 2 millions de morts. Malheureusement, la fête a été de courte durée. Deux ans après l’accession à l’indépendance, les partisans du président Salva Kiir (de l’ethnie Dinka) et ceux du vice-président Rick Machar (de l’ethnie Nuer) se sont tournés les uns contre les autres. Le pays a été plongé dans cinq ans de guerre civile.

400 000 morts

PHOTO CHARLES ATIKI LOMODONG, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Au moment de l’obtention d’un accord de paix en septembre 2018, on estimait qu’entre 380 000 et 400 000 personnes avaient perdu la vie dans les affrontements. Sur notre photo, des proches du journaliste Peter Moi, abattu par des hommes armés, transportent son cercueil à Djouba, le 20 août 2015.

Au moment de l’obtention d’un accord de paix en septembre 2018, on estimait qu’entre 380 000 et 400 000 personnes avaient perdu la vie dans les affrontements. « Aujourd’hui, nous n’avons plus de guerre généralisée au Soudan du Sud. Il y a des poches de combats, mais elles sont isolées. L’accord de paix permet de stabiliser le pays », a dit hier en entrevue avec La Presse Arnauld Akodjenou, conseiller spécial sur le Soudan du Sud auprès du haut-commissaire pour les réfugiés (HCR) des Nations unies, Filippo Grandi. Malgré l’accalmie, la transition politique se fait attendre. Le gouvernement de transition devait entrer en fonction le 12 mai, mais un délai de six mois vient tout juste d’être accordé.

4 millions de déplacés

PHOTO JOHN WESSELS, AGENCE FRANCE-PRESSE

En dépit du processus de paix, 4 millions de Soudanais du Sud, qui ont fui la violence, sont toujours soit déplacés dans le pays ou réfugiés. Sur notre photo, une Sud-Soudanaise dans un camp à Aru, en République démocratique du Congo.

En dépit du processus de paix, 4 millions de Soudanais du Sud, qui ont fui la violence, sont toujours soit déplacés dans le pays (1,9 million d’entre eux) ou réfugiés (2,2 millions) dans les pays avoisinants, soit le Soudan, l’Ouganda, l’Éthiopie, le Kenya, la République démocratique du Congo et la République centrafricaine. « C’est près du tiers de la population qui est en déplacement forcé », note Arnauld Akodjenou, qui coordonne les activités du HCR dans la région. « Les réfugiés ne meurent pas, mais la communauté internationale n’arrive pas à répondre aux besoins des pays qui les accueillent. Les réfugiés sont dans les régions les plus pauvres et les plus reculées », note M. Akodjenou, qui s’est rendu dans tous les pays hôtes.

2/3 sont des enfants

PHOTO JOHN WESSELS, AGENCE FRANCE-PRESSE

La situation est particulièrement précaire pour les 1,4 million d’enfants sud-soudanais qui ont fui leur pays. À eux seuls, ils représentent les deux tiers des réfugiés.

La situation est particulièrement précaire pour les 1,4 million d’enfants qui ont fui leur pays. À eux seuls, ils représentent les deux tiers des réfugiés. Parmi eux se trouvent aussi 65 000 orphelins. Près du tiers des enfants réfugiés n’ont pas accès à l’école depuis trois ans ou plus. « Et pour ceux qui y ont accès, ils se retrouvent dans des classes où il y a de 120 à 150 enfants pour un instituteur. Les maîtres ne sont pas là pour transmettre le savoir, mais pour gérer la foule », note M. Akodjenou. Le taux de fréquentation de l’école secondaire chute à 5 %. Et l’université ? Moins de 1 % des réfugiés peut y aspirer.

10 % des besoins

PHOTO ALBERT GONZALEZ FARRAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

À ce jour, les donateurs internationaux ont comblé tout juste 10 % des besoins pour les réfugiés du Soudan du Sud en 2019.

À ce jour, les donateurs internationaux ont comblé tout juste 10 % des besoins pour les réfugiés du Soudan du Sud en 2019. L’an dernier, la communauté internationale a été cinq fois plus généreuse. C’est pour remédier à cette situation que M. Akodjenou est à Ottawa cette semaine, après avoir fait une tournée européenne et avant d’entamer une visite américaine. Il est convaincu que le Canada, qui prône une approche féministe et pro-éducation dans sa politique étrangère, peut devenir un partenaire central dans le dossier du Soudan du Sud. « Je prends le gouvernement canadien au mot. Nous avons eu de bonnes discussions », dit le représentant du HCR.

2,9 milliards de PIB

PHOTO TYLER HICK, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Si, au moment d’accéder à l’indépendance, le Soudan du Sud avait un produit intérieur brut de 17,2 milliards US par année, selon les statistiques de la Banque mondiale, il n’atteignait plus que 2,9 milliards US en 2016.

Au-delà de la crise des réfugiés, la troisième en importance dans le monde après celles de la Syrie et de l’Afghanistan, le Soudan du Sud a une immense côte à remonter. Le conflit civil a dévasté l’économie du pays. Si, au moment d’accéder à l’indépendance, la jeune république avait un produit intérieur brut de 17,2 milliards US par année, selon les statistiques de la Banque mondiale, il n’atteignait plus que 2,9 milliards US en 2016. Pendant la même période, la proportion de la population vivant sous le seuil de la pauvreté a grimpé de 50 % à 82,3 %. Par ailleurs, la famine guette près de 7 millions des quelque 10 millions qui se trouvent toujours dans le pays.