Une étude met en cause l’exportation illégale d’ordinateurs et d’appareils électroniques provenant de pays occidentaux.

Des œufs provenant de poules qui picorent dans un dépotoir ghanéen où sont acheminés et démantelés depuis des décennies des tonnes de vieux ordinateurs, d’écrans et de téléviseurs présentent des concentrations de dioxines pratiquement jamais vues.

Les organisations non gouvernementales à l’origine de l’étude à ce sujet parue hier affirment que l’exportation illégale de déchets électroniques provenant de pays occidentaux contribue au phénomène et pressent les autorités sanitaires de corriger le tir.

Elles réclament un resserrement des normes internationales en vigueur pour pouvoir protéger la population locale et celle d’autres pays en développement touchés par une dynamique similaire.

Le dépotoir d’Agbogbloshie, qui figure au cœur de l’étude, est situé en banlieue de la capitale ghanéenne, Accra.

PHOTO CRISTINA ALDEHUELA, ARCHIVES AFP

Un marché alimentaire d’Agbogbloshie est situé près du dépotoir.

Chaque jour, de jeunes hommes travaillant sans protection s’affairent à brûler des composants d’ordinateurs et d’appareils électroniques pour récupérer les métaux qu’ils contiennent, libérant dans les environs d’épaisses fumées toxiques.

Celles-ci se répandent notamment sur un important marché alimentaire voisin du dépotoir où des dizaines de milliers de personnes viennent s’approvisionner.

Pour analyser l’impact sanitaire de ces émissions, les chercheurs d’IPEN, un regroupement international d’organisations, et le Basel Action Network ont obtenu des œufs de poules présentes dans le dépotoir. Ils ont aussi collecté des œufs ailleurs au pays à des fins de comparaison.

Selon le rapport, ce type d’analyse est souvent utilisé puisque les poules ingèrent des sédiments en picorant le sol pour se nourrir, ce qui permet aux polluants qu’il contient de s’accumuler dans les œufs.

PHOTO MARTIN LEBLANC, ARCHIVES LA PRESSE

« Le niveau de contamination est énorme »

L’un des chercheurs responsables, Jindrich Petrlik, a indiqué hier à La Presse depuis Prague que la concentration de dioxines bromées dans les œufs était la plus élevée jamais enregistrée dans une analyse de ce type.

Pour les dioxines chlorées, le niveau enregistré dans un œuf était 220 fois plus élevé que la consommation quotidienne permise par les autorités sanitaires européennes. Les Ghanéens mangent près d’un œuf par jour en moyenne.

« Le niveau de contamination est énorme », a commenté M. Petrlik, qui insiste sur les effets extrêmement néfastes de ces dioxines sur la santé. Des concentrations alarmantes de biphényles polychlorés (BPC) ont aussi été détectées.

« Les personnes qui consomment ces œufs ne vont pas tomber malades immédiatement, mais progressivement. On va voir apparaître, par exemple, des problèmes avec le système endocrinien ou encore des problèmes de croissance chez l’enfant. »

PHOTO MARTIN LEBLANC, ARCHIVES LA PRESSE

IPEN et le Basel Action Network pensent que les répercussions sanitaires de la situation devraient amener les pays occidentaux à revoir rapidement les contrôles en place pour empêcher l’exportation d’ordinateurs usagés.

Le dépotoir d’Agbogbloshie a souvent été présenté dans les médias internationaux comme une destination de choix pour les exportations illégales, mais l’importance du phénomène est matière à controverse.

Une étude parue en 2011 suggère que 10 % des 210 000 tonnes métriques de produits électroniques et électriques importés au Ghana en 2009 étaient en fait des déchets.

On estime qu’environ 40 millions de tonnes de déchets de cette nature sont produites annuellement sur la planète.

Des exportateurs mal intentionnés contournent régulièrement les dispositions de la Convention de Bâle, qui régit l’exportation de déchets dangereux, en déclarant que les appareils vont être réparés à destination.

Les auteurs du rapport estiment que la convention devrait être modifiée pour empêcher cette manœuvre.

Ils demandent que les concentrations permises de produits organiques polluants soient abaissées de manière à faire en sorte que les ordinateurs ne puissent être exportés vers des pays incapables de s’en débarrasser correctement.