Une jeune Soudanaise, debout sur une voiture, haranguant la foule devant le QG de l'armée : les images ont fait le tour des réseaux sociaux, permettant à l'intéressée de réaffirmer le rôle clé des femmes dans la contestation antigouvernementale au Soudan.

« Les femmes soudanaises ont toujours participé aux révolutions dans ce pays », explique Alaa Salah à l'AFP, après qu'une vidéo d'elle chantant et appelant à lutter contre le pouvoir du président Omar el-Béchir, devant le siège de l'armée à Khartoum, est devenue virale sur l'internet.

Vêtue et voilée de blanc, ses boucles d'oreilles dorées reflétant les lumières de la marée de smartphones autour d'elle, Alaa Salah est devenue en quelques jours sur les réseaux sociaux l'une des icônes de la contestation au Soudan.  

Sa silhouette et sa tenue lui ont valu d'être surnommée « Kandaka », ou « la reine nubienne », en référence aux souveraines ayant marqué l'histoire de la région dans l'Antiquité.

Selon cette étudiante en architecture et ingénierie à l'Université internationale du Soudan à Khartoum, l'histoire de son pays est marquée par celle de reines influentes. « Cela fait partie de notre héritage », dit-elle.

Effet Twitter

Depuis le début de la contestation en décembre, déclenchée par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain dans un pays en plein marasme économique, les organisateurs du mouvement utilisent les réseaux sociaux pour inciter la population à sortir dans la rue.

La récente notoriété d'Alaa Salah l'a poussée à créer son compte Twitter sur lequel elle a écrit être « montée sur la voiture pour parler au peuple, condamner le racisme et le tribalisme sous toutes leurs formes ».

« Je voulais parler au nom de la jeunesse », précise-t-elle dans un tweet.  

« Je vous remercie du fond du coeur. Le combat pour un Soudan démocratique et prospère continue. Nous ne plierons pas devant Béchir, le dictateur tyran », écrit-elle encore dans un message largement partagé.  

Sur internet, beaucoup la qualifient d'« héroïne » ou d'icône. « Cette image du Soudan figurera dans les livres d'histoire », écrit un internaute.

« Un changement de gouvernement ou de président ne peut se faire par Whatsapp ou Facebook », avait argué Omar el-Béchir fin janvier.

Mais mercredi soir, Alaa Salah a indiqué sur Twitter avoir reçu « des menaces de mort ». « Je ne plierai pas. Ma voix ne peut pas être supprimée », a écrit la jeune femme.

« Défendre toute la communauté »

Bravant les tirs de gaz lacrymogènes, les Soudanaises manifestent depuis le début de la contestation et sont présentes en nombre mercredi pour le cinquième jour consécutif de rassemblements devant le QG de l'armée.

Les manifestants demandent à l'armée de les soutenir dans leur opposition au président Béchir, qui dirige le pays d'une main de fer depuis 30 ans.

« Les femmes participent massivement à de tels mouvements, pas seulement pour se battre pour leurs droits, mais pour défendre ceux de toute la communauté [...] Il n'y a pas de différence entre les deux », selon Mme Salah.

« Les femmes du Soudan ont toujours encouragé la jeunesse à se battre », dit-elle.  

C'est donc tout naturellement qu'elle a rejoint les manifestants dès le début du mouvement.  

« Je suis très fière de participer à cette révolution et j'espère que nous atteindrons notre but », affirme-t-elle.  

A 75 ans, M. Béchir refuse de démissionner et a décrété l'état d'urgence le 22 février.  

Selon un bilan officiel, 49 personnes ont été tuées depuis le début de la contestation. Des ONG ont plusieurs fois évoqué des bilans plus lourds par le passé.

PHOTO -, AFP

Alaa Salah lors d'une manifestation mercredi à Khartoum.