Quelque 75 000 livres provenant du Québec destinés à des bibliothèques publiques du Burundi sont coincés dans un entrepôt en Tanzanie depuis près de deux mois et le resteront vraisemblablement jusqu’à ce que les coûts de transport soient réglés.

« Tous ces livres sont pris là, avec les prix d’entreposage qui explosent », s’inquiète Diomède Niyonzima, qui s’avoue désespéré.

Le jeune homme de Québec, originaire du Burundi, est à la tête de Kira, organisation qui vient en aide aux enfants de la rue dans son pays natal et qui y a expédié ce chargement d’une « valeur inestimable ».

Ces 75 000 livres ont été offerts par l’entremise de l’Institut canadien de Québec ; il s’agit notamment des invendus de la Méga Bibliovente de la Bibliothèque de Québec, qui affirme sur son site internet ainsi « contribuer au démarrage de bibliothèques dans des communautés de ce petit pays situé en Afrique de l’Est ».

« Il y a un besoin criant de livres là-bas », affirme Diomède Niyonzima, qui garde en tête « le sourire de ces enfants de 6 ou 8 ans qui lisent des bandes dessinées ».

Puisque son organisation ne dispose pas des moyens financiers et des ressources humaines au Burundi pour gérer une telle quantité de livres, elle s’est associée au Centre burundais pour la lecture et l’animation culturelle (CEBULAC), organisme relevant du gouvernement burundais qui gère un réseau de bibliothèques publiques.

C’est le CEBULAC qui devait acquitter la facture de 27 250,29 $ pour le transport de ce colis de 30 tonnes, comme il l’avait fait pour les 20 000 livres que Kira a acheminés au Burundi en 2016 et en 2018.

Si les choses s’étaient bien passées les deux premières fois, c’est tout le contraire cette fois-ci.

« Le Centre dit ne pas avoir les fonds [pour payer la facture] », raconte M. Niyonzima.

Le chargement s’est donc arrêté au port de Dar es Salaam, en Tanzanie, et la firme Bolloré Logistics, qui a été mandatée pour le transporter, attend d’être payée avant de l’acheminer à sa destination finale.

En attendant, la firme facture 150 $ par jour pour l’entreposage des livres, raconte M. Niyonzima.

La Presse n’a pas pu joindre la direction de Bolloré Logistics à Montréal, vendredi.

À la recherche d’un « mécène »

Kira a cogné aux portes des gouvernements québécois et burundais, de même qu’à l’Organisation internationale de la Francophonie, pour trouver une façon de mener les 75 000 livres québécois à bon port, mais en vain.

« Ça me désole qu’ils ne puissent pas payer un prix aussi dérisoire, 27 000 $ pour 75 000 livres, c’est [peu] », lance Diomède Niyonzima.

L’organisation, qui craint pour sa survie si elle devait être tenue responsable de la facture impayée, aimerait trouver un généreux donateur ou une généreuse donatrice pour l’aider.

Je m’adresse à ces mécènes, à ces humanistes qui croient en la valeur ajoutée d’un livre.

Diomède Niyonzima, Québécois originaire du Burundi à la tête de Kira

« Ces livres qui proviennent du Québec sont d’une importance capitale pour le Burundi, dit-il. Ils renferment du savoir pour les jeunes, pour les vieux, pour ceux qui sont instruits ou qui veulent s’instruire. »

Caisses vides

Diomède Niyonzima s’est rendu au Burundi plus tôt en décembre pour tenter de dénouer l’impasse. Des employés du CEBULAC lui ont indiqué que leur directeur avait quitté le pays, laissant les caisses vides. « Le monsieur est parti, il a tout volé, le personnel n’est même pas payé », s’alarme-t-il.

La Presse a pu joindre l’homme en question, Jean Bosco Nzigamiye, qui vit maintenant au Québec.

Il reconnaît avoir conclu une entente pour recevoir les 75 000 livres québécois, mais affirme que la question du paiement de leur transport n’avait pas été réglée au moment où il a « démissionné », en prévision de son émigration.

Selon lui, c’est le ministère burundais des Finances qui n’aurait pas délié les cordons de la bourse ; il nie avoir utilisé l’argent du CEBULAC à des fins personnelles.

Le CEBULAC et le ministère burundais des Finances n’ont pas rappelé La Presse.