(Harare) Les funérailles officielles et l’enterrement de l’ancien président Robert Mugabe, héros de l’indépendance du Zimbabwe avant d’en devenir le dictateur absolu, auront lieu à la fin de la semaine prochaine dans son pays, a annoncé dimanche la présidence.

Écarté du pouvoir fin 2017, Robert Mugabe s’est éteint vendredi à l’âge de 95 ans « entouré de sa famille » dans un hôpital de Singapour, où il avait été hospitalisé dans la semaine.

« Sa dépouille est attendue mercredi après-midi (au Zimbabwe). Les funérailles officielles sont prévues samedi, son enterrement aura lieu dimanche (prochain) », a dit à l’AFP le porte-parole de la présidence, George Charamba.

À la tête du Zimbabwe depuis 1980, le « camarade Bob », ainsi que le désignaient les membres de son parti, a été poussé à la démission en novembre 2017 par un coup de force de l’armée, qui a installé son ancien vice-président, Emmerson Mnangagwa, dans son fauteuil.

Salué comme l’icône de la lutte pour l’indépendance de l’ex-colonie britannique, Robert Mugabe incarne aussi l’image d’un despote qui a régné d’une main de fer sur son pays et l’a précipité dans une crise économique terrible dont il n’est toujours pas sorti.

Depuis sa disparition, les discussions sur l’organisation de ses funérailles allaient bon train entre sa famille et le gouvernement.

« Héros national »

Dès vendredi, le chef de l’État a décrété un deuil officiel et décerné le statut de « héros national », qui lui offre une place dans le « Champ des héros de la Nation », en lisière de la capitale, Harare.

Ce monument, où s’élèvent trois statues de soldats en bronze offertes par la Corée du Nord, accueille traditionnellement les sépultures des anciens combattants de la « guerre de libération ». Il a été récemment ouvert aux personnalités des arts et des sciences.

Le porte-parole de la présidence a toutefois laissé entendre dimanche que Robert Mugabe pourrait être inhumé ailleurs. Le lieu « sera déterminé par la famille », a précisé dimanche M. Charamba.

À en croire des indiscrétions de la presse locale, la famille de Robert Mugabe s’est opposée à son enterrement au « Champ des héros nationaux », assurant que l’ancien maître du pays souhaitait être enterré dans le village de Zvimba, où il possédait une maison.

« Nous, les habitants de Zvimba, nous ne voulons pas qu’il aille au Champ des héros […] pour quoi faire ? », a déclaré dimanche sa tante Josephine Jaricha à l’AFP, « nous voulons qu’il soit enterré ici ».

Depuis la chute de Robert Mugabe, les relations entre l’ex-président et son successeur, qu’il a qualifié publiquement de « traître », étaient notoirement mauvaises.

En novembre 2017, l’armée l’avait poussé vers la sortie après sa décision de limoger son vice-président, Emmerson Mnangagwa, sur l’insistance de sa deuxième épouse, Grace, qui convoitait la succession de son nonagénaire de mari.

« Un homme en colère »

L’héritage très contrasté de Robert Mugabe a laissé nombre de ses compatriotes au mieux indifférents à sa disparition.

Dimanche, le prêtre de la cathédrale du Sacré-Coeur à Harare, où l’ancien président venait parfois assister à la messe, a encouragé ses ouailles à prier pour leur président disparu.

« Je sais que certains ont des sentiments contrastés, mais il est de notre devoir de prier les uns pour les autres », a déclaré Justin Jagaja, « nous voulons […] que Dieu le bénisse pour tout ce qu’il a fait de bien pour ce pays et que Dieu lui pardonne tous ses péchés et les moments où il a été faible ».

Vicaire général de l’archidiocèse de Harare, Kennedy Muguti s’est souvenu dimanche d’un Robert Mugabe « amer » à la fin de son règne.

« À cause de la façon dont il avait été chassé du pouvoir, c’était un homme déçu, frustré, en colère », a confié le prélat à l’AFP, « mais à certains moments il était capable d’exprimer sa foi ».

« Il venait de temps en temps assister à la messe de 10 h avec sa famille, il occupait le siège devant à droite, il aimait être installé là où il pouvait tout voir », s’est souvenue pour l’AFP la responsable de la chorale de la cathédrale, Anne Fernandez.

« Que Dieu le bénisse […] Je me souviendrai d’abord de ses premières années au pouvoir, de son idéalisme et de la façon dont il a mené le pays à sa libération », a-t-elle ajouté.