(Antananarivo) «La pauvreté n’est pas une fatalité!» : à Madagascar, l’un des pays les plus déshérités au monde, le pape François a attiré dimanche des centaines de milliers de personnes à une messe puis rendu un hommage vibrant à une cité modèle procurant un toit et du travail aux exclus.

Une messe géante, attendue avec ferveur par les habitants de la Grande île, a rassemblé un million de fidèles, selon les organisateurs, massés en lisière de la capitale, Antananarivo.

Devant eux, le pape argentin a appelé à «construire l’histoire dans la fraternité et la solidarité, dans le respect gratuit de la terre et de ses dons, contre toute forme d’exploitation».

Surtout, François s’en est pris «à certaines pratiques qui aboutissent à la culture du privilège et de l’exclusion», comme le favoritisme donné aux liens de parenté.  

«Le pape a évoqué le mal de ce pays, il faut avoir des pistons partout pour réussir dans la vie. Vos diplômes ne sont pas suffisants pour réussir», a approuvé Mathilde Vero, une mère de famille de 39 ans.

À Madagascar, la cinquième plus grande île du monde (587 000 km2), les neuf dixièmes des 25 millions d’habitants survivent avec moins de deux dollars par jour. Beaucoup d’habitants ne mangent pas à leur faim et ne vont pas à l’école.

Elu à la tête du pays en décembre, le président Andry Rajoelina a assuré «souscrire» au message du pape. «En tant que chrétien et homme d’État, je mène un combat sans relâche contre la corruption, la pauvreté», a-t-il écrit sur son compte Twitter.

Cité modèle

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Le pape a rencontré dimanche à Antananarivo le père Pedro Opeka.

Le pape argentin, visiblement aux anges, est ensuite venu apprécier la cité modèle d’un compatriote, le père Pedro Opeka, qui fut son élève au séminaire. L’endroit incarne au plus près le message central de son pontificat, tourné vers les exclus et révolté contre les inégalités sociales.

Le fondateur de la cité d’Akamasoa («Bons amis» en malgache) a sorti des milliers de personnes de la misère en créant sur les immondices d’une ancienne décharge une ville de 25 000 habitants. Il est décrit comme «le bras de Dieu» voire «le deuxième pape» par ceux qui lui doivent une vie meilleure.

C’est côte à côte avec le charismatique prêtre argentin à la barbe blanche de 71 ans, que le pape de 82 ans a fait son entrée dans un gymnase bondé de près de 10 000 jeunes de la cité en délire, agitant en parfaite cadence des drapeaux.

«Akamasoa est l’expression de la présence de Dieu au milieu de son peuple pauvre», a déclaré François d’emblée.

Élu le 13 mars 2013, le premier pape latino-américain de l’histoire a choisi le nom de saint François d’Assise en expliquant : «Comme je voudrais une Église pauvre, pour les pauvres».

Ce pasteur de rue dans l’âme était dans son élément dimanche. «Vos cris suscités par l’impossibilité de vivre sous un toit, de voir grandir vos enfants dans la malnutrition, de ne pas avoir de travail, suscités par le regard indifférent pour ne pas dire méprisant de beaucoup, sont devenus des chants d’espérance», a-t-il commenté.

«Chant d’espérance»

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Près de la carrière de la cité, le pape a lu devant une foule immense «une prière pour les travailleurs».

«Chaque recoin de ces quartiers, chaque école ou dispensaire est un chant d’espérance qui réfute et fait taire toute fatalité. Disons-le avec force : la pauvreté n’est pas une fatalité», a-t-il lancé, en appelant à essaimer de tels modèles dans le monde.

«Ici tout le monde travaille», lui a fait écho le père Pedro Opeka, installé depuis 1976 à Madagascar et qui opère avec des dons.

«Nous avons démontré à Akamasoa que la pauvreté n’est pas une fatalité, mais qu’elle était créée par l’absence de sensibilité sociale des dirigeants politiques qui ont oublié et tourné le dos à leur peuple qui les a élus», a dénoncé ce prêtre révolté devant le président du pays.  

Malgré son succès, le modèle de la cité d’Akamasoa n’est pas parfait. Les maisons n’ont pas d’eau courante et les salaires versés restent faibles (44 $ CAN par mois). Pour améliorer leur quotidien certains fouillent toujours une immense décharge toute proche…

Près de la carrière de la cité, le pape a aussi lu dimanche devant une foule immense «une prière pour les travailleurs».

«Soigne leurs corps de l’usure excessive», a prié le souverain pontife, «fais que le fruit de leur travail leur permette d’assurer dignement la subsistance de leurs familles».

Lundi, le pape termine son voyage par une visite éclair à Maurice, île multi-ethnique nettement plus prospère de l’Océan indien.