Un raid ayant permis de secourir quatre otages détenus par des djihadistes au Burkina Faso a coûté la vie à deux officiers mariniers français dans la nuit de jeudi à hier. Une situation qui ravive les inquiétudes au sujet d’Édith Blais, la Sherbrookoise qui manque toujours à l’appel dans la région.

Raid nocturne

Une opération de sauvetage nocturne lancée par les forces spéciales françaises au Burkina Faso pour secourir deux touristes français enlevés au début du mois s’est soldée par la mort de deux officiers mariniers français dans la nuit de jeudi à hier. Une citoyenne américaine et une ressortissante sud-coréenne, dont on ignorait la présence au moment de déclencher le raid, ont également été libérées lors de l’opération. « À ce que je comprends, on craignait que les otages ne soient transportés au Mali, où ils seraient alors hors d’atteinte », explique Daniel Eizenga, stagiaire postdoctoral au Centre FrancoPaix de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM et spécialiste de la région d’Afrique de l’Ouest.

Opération complexe

Au total, l’opération a nécessité la participation d’une vingtaine de militaires français spécialisés dans la récupération d’otages, en plus de drones, d’hélicoptères et du soutien des services de renseignement américains et de l’armée du Burkina Faso, a noté le quotidien Le Monde. Les services de renseignement français ont suivi l’évolution du convoi qui transportait les otages pendant plusieurs jours avant de décider de frapper durant la nuit, lors de leur arrêt dans une zone isolée et découverte. Un poste avancé de chirurgie visant à porter assistance aux éventuels blessés avait aussi été mis en place avant l’opération, ont signalé hier les autorités françaises, qui ont toutefois refusé de préciser comment les militaires avaient pu atteindre le lieu du raid sans être repérés par les ravisseurs.

Émotion et gravité

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Les militaires Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello

Selon les autorités, les militaires Cédric de Pierrepont, 33 ans, et Alain Bertoncello, 28 ans, ont été tués à bout portant au moment où ils pénétraient dans des abris où se trouvaient les otages. Deux ravisseurs se sont enfuis et quatre autres ont été abattus dans l’opération. Hier, le président Emmanuel Macron, qui avait autorisé l’opération la veille, a dit « s’incliner avec émotion et gravité devant le sacrifice de nos deux militaires ». La présence des deux autres otages était une surprise, leur disparition survenue près d’un mois plus tôt n’ayant pas été signalée à leurs gouvernements respectifs, selon les autorités françaises.

Visite déconseillée

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Laurent Lassimouillas et Patrick Picque

Les deux touristes français, Laurent Lassimouillas et Patrick Picque, ont été faits prisonniers au Bénin, dans le parc national de Pendjari, dont la visite est déconseillée depuis des années par plusieurs gouvernements occidentaux en raison des dangers d’enlèvements. « Depuis environ six mois, on remarque une hausse des activités des groupes terroristes dans l’est du Burkina Faso, et ça a fait grimper les risques d’enlèvements dans la région, note Daniel Eizenga. Le gouvernement du Burkina commence à réagir, mais il aurait dû le faire il y a plus d’un an. C’est un échec de sa part. Sera-t-il capable de rétablir l’ordre ? Cela reste à voir. »

« Aucune spéculation »

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Luca Tacchetto et Édith Blais

Le raid au Burkina Faso braque le projecteur sur le sort de la Sherbrookoise Édith Blais, 34 ans, et son copain italien Luca Tacchetto, 30 ans, qui n’ont plus donné de nouvelles depuis le 15 décembre 2018, alors qu’ils traversaient le Burkina Faso en voiture. Le gouvernement burkinabè croit qu’ils ont été enlevés et conduits hors du pays, et dit savoir que le couple est encore en vie. Contactée par La Presse, hier, Jocelyne Bergeron, la mère d’Édith Blais, a dit être au courant du raid français survenu la veille. « Je ne fais aucune spéculation pour ma fille », a-t-elle déclaré.

Des centaines d’écoles fermées

Les groupes militants terrorisent les habitants du nord et de l’est du Burkina Faso, où des centaines d’écoles sont fermées depuis que des enseignants ont fui la région. « Aujourd’hui, les attaques dans le nord et l’est du pays surviennent chaque jour, dit M. Eizenga. Des cliniques sont prises pour cible, des gendarmeries sont prises pour cible. Tout cela est orchestré par des groupes transnationaux qui sont soit des djihadistes, soit des bandes criminelles organisées. Depuis, des groupes ethniques du Burkina Faso, comme les Peuls, sont stigmatisés et sont victimes d’attaques de représailles. Des dizaines de villageois peuls accusés par la population d’être des djihadistes ont été massacrés en janvier. »

— Avec la collaboration de l’Agence France-Presse