Quatre-vingt-dix élèves d'une même école en zone anglophone ont été enlevés puis libérés en 5 jours au Cameroun dans deux enlèvements distincts, des actions sans précédent dans ce pays où les régions anglophones sont en proie à un conflit armé depuis un an.

« Mercredi 31 octobre, 11 élèves de l'institution ont été enlevés », a expliqué l'Église presbytérienne responsable du collège presbytérien de Nkwen à Bamenda, la capitale régionale du Nord-Ouest théâtre, avec le Sud-Ouest, d'un conflit entre séparatistes et armée.

Ce premier enlèvement n'avait pas été révélé en raison de négociations en cours avec les ravisseurs, selon une source proche de l'établissement. Les élèves ont depuis été « libérés », selon l'Église.

Quelques jours plus tard, lundi, 79 élèves ont de nouveau été enlevés dans la même école. Les autorités camerounaises ont annoncé mercredi matin leur libération.

Le déroulé des événements, l'identité des ravisseurs et les conditions de libération de ces 90 élèves restent floues.

Dans une vidéo obtenue par l'AFP lundi soir, onze garçons d'une quinzaine d'années déclinaient un à un, en anglais, leur identité et indiquaient avoir été enlevés par les « Amba boys », les séparatistes anglophones.

Deux sources concordantes avaient indiqué mardi que ces jeunes garçons étaient bien élèves à la Presbyterian Secondary School (PSS). Selon la source proche de l'établissement, ces élèves seraient les 11 enlevés le 31 octobre.

« Plus de 700 élèves » étudient à la PSS, selon le site web de l'établissement qui souligne recevoir des élèves « de toutes les origines religieuses et linguistiques du Cameroun ».

L'établissement scolaire est situé en périphérie de Bamenda, dans une zone sans présence militaire bien qu'une large partie de la ville ait été mise sous la coupe réglée des forces de sécurité.

École fermée

Un responsable de l'Église presbytérienne, le révérend Foki Samuel Forba, a indiqué mardi avoir mené des négociations avec les ravisseurs qui ne réclamaient pas de rançon, selon lui, mais « seulement » la fermeture de l'école.

Depuis le début du conflit, fin 2017, les séparatistes ont décrété un boycottage des établissements scolaires, estimant que le système francophone marginalise les étudiants de la minorité anglophone.

L'Église presbytérienne a indiqué que l'école restera fermée « jusqu'à nouvel ordre ».

Des dizaines d'autres, restées ouvertes, ont été attaquées par des hommes armés ces derniers mois. Mi-octobre, six élèves avaient été enlevés dans un lycée de Bamenda.

Selon les autorités, seul un enfant sur quatre a pu faire sa rentrée scolaire dans la région du Sud-Ouest en septembre.

Depuis le début du conflit, les kidnappings sont fréquents en zone anglophone. Certains visent des symboles de l'État (fonctionnaires et représentants de l'autorité de Yaoundé), d'autres ont pour but le versement d'une rançon.

Les séparatistes armés, éparpillés dans la forêt équatoriale en groupes épars, ont peu de moyens et combattent régulièrement avec des armes de chasse ou de poing.

Mais dans les régions anglophones d'ordinaire théâtres d'actions isolées contre des gendarmeries ou des écoles en zones rurales, ces rapts de masse en zone urbaine sont sans précédent.  

83 opposants poursuivis

Depuis la présidentielle du 7 octobre à laquelle très peu d'électeurs anglophones ont pu voter, les attaques ont redoublé au Nord-Ouest et au Sud-Ouest.  

Les affrontements sont quasi-quotidiens entre les forces de sécurité camerounaises, déployées en nombre par Yaoundé, et des séparatistes.

À ceux-là se seraient ajoutées, selon des sources concordantes, des bandes armées qui rackettent les populations et les entreprises.

L'annonce mercredi de la libération des 79 élèves, après trois jours de détention, est intervenue au lendemain de la prestation de serment de Paul Biya, réélu à 85 ans avec 71,28 % des suffrages pour un septième mandat.

À cette occasion, le président, au pouvoir depuis 1982, a reconnu « les frustrations et les aspirations de la grande majorité » des Camerounais des régions anglophones.

Peu après la cérémonie, l'opposant Maurice Kamto a pris la parole à Yaoundé, revendiquant une nouvelle fois sa « victoire » à l'élection du mois dernier.

Le rassemblement a été dispersé et 19 partisans de M. Kamto ont été arrêtés, puis libérés dans la nuit, selon son parti, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC).

Depuis l'annonce de la réélection de M. Biya, le climat politique s'est détérioré, des dizaines d'opposants ayant été arrêtés et des journalistes interpellés.

Selon Olivier Bibou-Nissack, porte-parole de Maurice Kamto, un militant arrêté le 29 octobre à Yaoundé restait mercredi détenu et 83 autres sont poursuivis pour avoir manifesté « contre le hold-up électoral ».