Le président malgache Hery Rajaonarimampianina a nommé lundi premier ministre un haut fonctionnaire international, Christian Ntsay, qui sera chargé de former un gouvernement de «consensus» pour tenter de sortir le pays de la crise politique.

«J'ai nommé premier ministre Christian Ntsay. Il a les compétences, le caractère et l'aptitude qu'il faut pour aboutir à l'apaisement et mener à bien l'organisation des élections», a déclaré M. Rajaonarimampianina.

Cette nomination est intervenue quelques heures après la démission à la mi-journée du précédent chef du gouvernement, Olivier Mahafaly Solonandrasana, en poste depuis deux ans.

L'île de Madagascar est secouée depuis un mois et demi par une vague de manifestations quotidiennes de l'opposition qui exigent le départ du président Hery Rajaonarimampianina, au pouvoir depuis 2013, accusé de vouloir faire taire ses rivaux à quelques mois des prochaines élections générales.

Pour tenter de sortir de l'impasse, la Haute Cour constitutionnelle (HCC), la plus haute instance juridique du pays, a ordonné il y a dix jours la nomination d'un nouveau Premier ministre et d'un gouvernement d'union nationale.

M. Mahafaly Solonandrasana s'est exécuté lundi. «En tant qu'homme d'État, je ne vais pas me présenter comme un obstacle à la vie de la nation», a-t-il déclaré avant de remettre sa démission au chef de l'État.

«Je n'ai rien à regretter aujourd'hui et je peux partir la tête haute. [...] Je vous dis 'Ce n'est qu'un au revoir'», a-t-il ajouté, sibyllin.

«Arrangement politique»

Son successeur Christian Ntsay, âgé de 57 ans, occupait jusqu'à ce jour un poste de haut fonctionnaire à l'Organisation internationale du travail (OIT). Il a exercé les fonctions de ministre du Travail de 2002 à 2003, mais n'est membre d'aucun des trois principaux partis du pays.

M. Ntsay a désormais la lourde tâche de composer un cabinet d'union dont la composition reflète les résultats des élections législatives de 2013, ainsi que l'a imposé la Haute cour constitutionnelle.

«J'en appelle aux leaders politiques pour respecter cet arrangement politique», a demandé lundi le chef de l'État.

L'opposition s'est réjouie de la nomination d'un premier ministre dont, dit-elle, elle a suggéré le nom, alors que le parti présidentiel HVM a déclaré «l'accepter».

Mais les discussions pour la formation de son équipe s'annoncent difficiles. Car depuis plusieurs jours déjà, les deux camps revendiquent chacun la majorité d'une Assemblée nationale où de nombreux élus ont changé de camp.

«Le prochain gouvernement doit représenter l'équilibre actuel à l'Assemblée», a martelé le président du parti HVM, Rivo Rakotovao, en revendiquant de garder les «ministères de souveraineté» comme les Finances, l'Intérieur, la Défense, les Affaires étrangères, la Justice et la Sécurité publique.

«Le peuple qui réclame le changement ne veut plus le retour des ministres qui ont commis des dérapages», a rétorqué un député de l'opposition, Jean Brunelle Razafitsiandraofa. «Le mouvement continue pour le changement, que ce soit dans la rue ou à l'intérieur de chacun d'entre nous».

Partie du rejet par l'opposition des nouvelles lois électorales, la crise actuelle a dégénéré en fronde généralisée contre le chef de l'État, qui a refusé de se plier aux appels à la démission.

Pression militaire

Deux partisans de l'opposition ont été tués le 21 avril, au tout premier jour des rassemblements sur la place du 13-Mai à Antananarivo, haut lieu historique de la contestation. Les manifestations sont depuis restées pacifiques.

L'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE) et les Nations unies sont intervenues au chevet de Madagascar pour essayer de résoudre cette énième crise de son histoire récente. Mais elles ont jusqu'à présent échoué.

Jeudi dernier, le ministre de la Défense, Béni Xavier Rasolofonirina, a tapé du poing sur la table en menaçant de faire intervenir les forces de l'ordre si le gouvernement et l'opposition ne trouvaient pas rapidement une porte de sortie «dans les délais imposés par la Haute cour constitutionnelle».

Cette crise a éclaté à quelques mois des élections générales. Elles étaient prévues en novembre et décembre, mais la HCC a imposé qu'elles se déroulent dès la «saison sèche», c'est-à-dire avant septembre prochain.

Le président Rajaonarimampianina, élu fin 2013, n'a pas annoncé s'il comptait se représenter pour un autre mandat.

En revanche, les deux principaux chefs de l'opposition - Marc Ravalomanana, président de 2002 à 2009, et Andry Rajoelina, au pouvoir de 2009 à 2014 - ont déjà laissé entendre qu'ils étaient prêts à se lancer dans la bataille.

Longtemps frères ennemis de la politique malgache, les deux dirigeants font aujourd'hui cause commune contre le régime.