L'opposition malgache a durci mardi son discours contre le gouvernement en exigeant la démission du président Hery Rajaonarimampianina, lors de la quatrième journée consécutive de manifestations dans la capitale Antananarivo.

«Aujourd'hui, nous demandons officiellement la démission de vous tous [le gouvernement], à commencer par le président de la République», a lancé la députée Hanitriniaina Razafimanantsoa aux centaines de manifestants réunis sur l'emblématique Place du 13 mai.

«Tout de suite, tout de suite, tout de suite», a scandé en retour la foule, chauffée à blanc.

«Vous ne faites pas le poids contre le peuple, vous feriez mieux de ranger déjà vos valises», a insisté Mme Razafimanantsoa. «Essayez de toucher à un seul cheveu de nos députés si vous voulez voir l'enfer sur terre», a renchéri, beaucoup plus menaçant, son collègue Guy Rivo Randrianarisoa.

«Miala [quitter], miala, miala», ont repris en choeur les centaines de personnes sur la Place du 13 mai.

À sept mois du premier tour annoncé des élections présidentielle et législatives, l'opposition accuse le régime de vouloir la museler, notamment au travers d'une série de nouvelles lois électorales selon elle au seul bénéfice du pouvoir.

Saisie par des députés, la Cour constitutionnelle malgache doit se prononcer d'ici jeudi sur la légalité de ces nouveaux textes, qui durcissent les conditions de révision des listes électorales ou de candidature à l'élection présidentielle.

«Insurrection»

Samedi, une marche, interdite par les autorités, a dégénéré en violents affrontements avec l'armée et la police.

Selon un bilan provisoire de source hospitalière, ce face-à-face a fait deux morts et 16 blessés dans les rangs des manifestants, qui accusent les forces de l'ordre d'avoir ouvert le feu à balles réelles.

La police a annoncé mardi avoir arrêté samedi 23 personnes pour des «actes de vandalisme». Présentées au tribunal, 17 d'entre elles ont été placées en détention provisoire.

Lors d'une allocution télévisée et sur les réseaux sociaux dimanche soir, le chef de l'État a dénoncé une tentative de «coup d'Etat» et mis en garde «les fauteurs de trouble et ceux qui incitent à la haine et aux affrontements, en quête d'un bain de sang».

À l'issue d'un conseil des ministres lundi, son gouvernement a accusé l'opposition «d'inciter la population à l'insurrection et à troubler l'ordre public».

À rebours de ces discours très fermes, les autorités ont toutefois levé dès dimanche l'interdiction de manifester et rendu au public la Place du 13 mai, théâtre de tous les grands rassemblements politiques de l'histoire récente de la Grande Île.

«C'est pour éviter les affrontements violents, qui pourraient entraîner des grands dommages entre Malgaches, que nous avons choisi de quitter la place», avait justifié lundi le ministre de la Défense, le général Beni Xavier Rasolofonirina.

«Pas de solution»

Depuis ce week-end, le centre-ville d'Antananarivo est devenu le carrefour quotidien de la fronde contre le régime.

«De toute l'histoire des institutions à Madagascar, c'est le régime actuel qui est le pire», a accusé mardi devant les manifestants le député Brunel Razafitsiandraofa. «Il n'y a aucune solution apportée par le régime actuel sur les problèmes de la nation telle que l'insécurité, l'inflation et autres».

«Nous ne nous arrêterons que lorsque le président remettra sa démission», a promis son collègue Arnaud Tody, qui a annoncé une nouvelle manifestation pour mercredi.

«Demain, on va ensemble déposer une plainte au tribunal contre tous les responsables de la tuerie de samedi. Nous allons aussi déposer une demande de destitution (du président) à la Haute Cour constitutionnelle», a-t-il déclaré.

Elu en 2013, M. Rajaonarimampianina n'a pas encore annoncé s'il allait briguer un second mandat.

En revanche, les deux principaux chefs de l'opposition, Marc Ravalomanana, président de 2002 à 2009, et Andry Rajoelina, au pouvoir de 2009 à 2014, ont déjà laissé entendre qu'ils étaient prêts à se lancer dans la bataille.

Tous les deux avaient été interdits de candidature en 2013.

M. Ravalomanana a été renversé en 2009 après une mutinerie de l'armée qui a permis à M. Rajoelina, alors maire de la capitale Antananarivo, de devenir président non élu d'une transition qui s'est prolongée jusqu'en 2014.