Le procès du directeur d'un journal marocain indépendant, Taoufiq Bouachrine, poursuivi sur des accusations de «violences sexuelles», a débuté jeudi à Casablanca dans une ambiance houleuse, avant d'être ajourné au 15 mars après de longs débats entre avocats.

L'audience de la chambre criminelle de la cour d'appel de Casablanca s'est déroulée dans une salle comble, pour ce procès qui secoue la scène médiatique locale du fait des charges très lourdes - «traite d'êtres humains», «violences sexuelles», «abus de pouvoir à des fins sexuelles», «viol et tentative de viol» ou «attentat à la pudeur avec violence».

Connu pour sa liberté de ton et sa proximité avec le Parti justice et développement (PJD, islamiste, au gouvernement), le journaliste de 49 ans qui dirige le quotidien arabophone indépendant Akhbar al-Yaoum a été arrêté le 23 février dans les locaux de son journal, au cours d'une descente policière spectaculaire.

Les actes qui lui sont reprochés auraient été commis à l'encontre de huit plaignantes, selon les autorités judiciaires marocaines.

La séance a été marquée par de vifs échanges entre les avocats des deux parties, sur des questions de pure forme. La défense a notamment dénoncé un «procès politique et inéquitable», regrettant qu'il n'y ait pas eu de confrontation entre l'accusé et les plaignantes, et appelant à ce que celles-ci viennent témoigner devant la cour.

Les avocats de la partie civile ont eux insisté sur l'importance «d'assurer la protection» des plaignantes, qui auraient «reçu des menaces». Ils ont demandé un report du procès pour mieux préparer leur plaidoirie.

Après avoir suspendu à quatre reprises l'audience, le président de la cour a décidé d'ajourner les débats au 15 mars.

L'arrestation de Taoufiq Bouachrine a fait la une des médias marocains et suscité des salves de réactions, avec des avis très partagés.

Certains évoquent une «grave affaire» sans lien avec ses positions éditoriales, appelant au respect de ses victimes présumées, quand d'autres y voient un «coup monté».

Les plaintes pour viol sont très rares au Maroc: les victimes redoutent les effets sur leur réputation dans une société qui reste largement conservatrice et craignent d'être elles-mêmes poursuivies, alors que les relations sexuelles hors mariage sont interdites dans le royaume.