Un djihadiste du groupe nigérian Boko Haram a été condamné à 15 ans de prison pour sa participation à l'enlèvement en 2014 de plus de 200 jeunes lycéennes à Chibok, au Nigeria, une première condamnation dans cette affaire qui avait provoqué une vague d'indignation dans le monde.

«Un membre de Boko Haram qui a fait partie des ravisseurs qui ont kidnappé les filles de Chibok a été condamné à 15 ans de prison» par un tribunal ad hoc dont les audiences se sont ouvertes lundi à Kainji pour juger des insurgés, a expliqué à l'AFP Salihu Isah, porte-parole du ministère de la Justice.

Haruna Yahaya, 35 ans, qui est «handicapé», a précisé le porte-parole, avec un bras paralysé et une jambe déformée, a plaidé coupable, mais a demandé la clémence des jurés pour avoir été «forcé à intégrer» le groupe armé.

Il est le premier combattant à être jugé pour l'enlèvement de 219 lycéennes, âgées de 12 à 17 ans, en avril 2014 alors qu'elles passaient leurs examens.

Leur rapt avait entraîné une vague d'émotion mondiale sur les réseaux sociaux sous le mouvement de «bring back our girls».

Depuis, 107 jeunes filles ont été retrouvées ou échangées après des négociations avec le gouvernement. Début janvier, plusieurs d'entre elles apparaissaient dans une vidéo diffusée par le groupe, où elles disaient qu'elles ne reviendraient plus et ne voulaient plus quitter le «califat».

Lors de son audition éclair, Haruna Yahaya a raconté avoir eu une liaison avec l'une des jeunes filles, qui l'aurait supplié de la libérer, mais il a assuré qu'il ne pouvait rien faire, étant lui-même «contraint» à combattre aux côtés des insurgés, selon la presse locale.

Le tribunal de Kainji, qui reconnaît qu'il a pu être forcé à rejoindre le groupe islamiste, a toutefois jugé qu'il «avait l'option de ne pas prendre part à leurs activités», selon M. Isah.

Dix-neuf autres membres de Boko Haram, qui comparaissaient lundi, ont été condamnés à des peines de 3 à 5 ans de prison.

Engagement volontaire ?

«L'engagement dans les rangs de Boko Haram n'est pas nécessairement volontaire», explique Yan St -Pierre consultant en contre-terrorisme pour MOSECON (Modern Security Consulting Group), qui évoque notamment l'enlèvement de jeunes garçons forcé de prendre les armes.

«On peut s'interroger sur la fiabilité du système de la justice au Nigeria et ce n'est pas un procès qui va changer des années d'abus», souligne M. St Pierre. «Toutefois, ce procès (encadré par l'armée, mais dont les juges et avocats sont civils) montre un léger changement».

Dans une première série d'audiences, en octobre, 1669 personnes avaient été présentées devant une Cour de justice installée sur la base militaire de Kainji, une ville reculée de l'État du Niger (centre-ouest).

Plusieurs centaines d'entre eux avaient été libérés, d'autres emprisonnés ou renvoyés à de futures audiences, mais les procès se sont déroulés à huis clos, entraînant les critiques des organisations de défense des droits de l'homme. Cette fois, le ministère de la Justice a garanti davantage de transparence.

Ce procès survient alors que le gouvernement nigérian assure que le conflit contre Boko Haram a pris fin, malgré la multiplication des attaques sur les villages ou d'attentats-suicide dans l'État du Borno.

Mardi, l'armée nigériane a affirmé dans un communiqué que Abubakar Shekau, le chef de file du groupe responsable de l'enlèvement, «courait pour sauver sa vie» face à l'avancée militaire dans le nord-est.

Le porte-parole de l'armée Sani Usman a déclaré que Shekau «essayait désespérément de se cacher (...) déguisé en femme» pour éviter qu'on le retrouve.

L'armée nigériane a annoncé sa mort à plusieurs reprises. Depuis 2009, le conflit avec Boko Haram a fait au moins 20 000 morts et 1,6 million de personnes n'ont toujours pas pu rejoindre leurs foyers.