Le parti au pouvoir en Afrique du Sud, le Congrès national africain (ANC), qui devait se pencher mercredi sur un départ anticipé du président Jacob Zuma, a reporté sa réunion extraordinaire à la suite de «discussions constructives» mardi soir entre le chef de l'État et son possible successeur, Cyril Ramaphosa.

L'ANC, profondément divisé sur le sort à réserver à l'encombrant Jacob Zuma, aurait pu décider mercredi de forcer le président à la démission, un scénario humiliant pour le chef de l'État.

Mais coup de théâtre mardi soir, cette réunion a été reportée aux 17 et 18 février en raison de «discussions fructueuses et productives» entre les deux principaux acteurs de la crise, a annoncé l'ANC, sans donner plus de précisions.

Le parti n'a pas évoqué la possibilité d'un accord sur une éventuelle démission du président, dont le dernier mandat expire en 2019.

L'ANC, au pouvoir depuis la fin du régime ségrégationniste de l'apartheid en 1994, se déchire depuis des semaines sur l'avenir du président Zuma, empêtré dans des scandales.

Les partisans du nouveau chef de l'ANC, Cyril Ramaphosa, élu en décembre, tentent de le pousser au plus vite vers la sortie, alors que se profilent les élections générales de 2019. Les pro-Zuma insistent, eux, pour que le président termine son second mandat.

Cette question lancinante qui paralyse l'ANC a plongé mardi le pays dans une crise politique majeure, avec le report du discours annuel du chef de l'État devant le Parlement, prévu jeudi.

Une première dans l'histoire de l'Afrique du Sud démocratique.

«Nous avons pensé qu'il était nécessaire d'assurer un climat politique plus propice» au discours du chef de l'État, a justifié la présidente du parlement, Baleka Mbete, craignant que l'intervention de M. Zuma ne soit fortement perturbée.

Un précédent en 2008

L'ANC multiplie depuis plusieurs semaines réunions officielles et tractations en coulisses, sans parvenir à une décision sur l'avenir de Jacob Zuma.

Dimanche soir, le président a renvoyé dans les cordes les six plus hauts dirigeants du parti, qui étaient venus dans sa résidence de Pretoria le prier de partir. «Je ne vois pas pourquoi je démissionnerais. Je n'ai rien fait de mal», leur a-t-il lancé, bravache, selon la presse locale.

Lundi, c'était au tour du comité de travail de l'ANC d'être convoqué en urgence pour se pencher sur le cas Zuma. Une fois de plus, il s'est avéré qu'il y avait des «positions différentes» sur le sujet, a reconnu la secrétaire générale adjointe du parti, Jessie Duarte.

Ce dossier empoisonné a en conséquence été transmis au principal organe de décision du parti, le Comité national exécutif (NEC), convoqué mercredi, avant que la réunion ne soit reportée in extremis à mi-février.

Le NEC et ses 107 membres ont le pouvoir de «rappeler» le président, qui ne tient sa légitimité que des seuls députés qui l'élisent, et de le pousser à la démission, comme ce fut le cas en 2008 pour le président Thabo Mbeki.

«Zuma doit partir, et le plus tôt sera le mieux», a estimé mardi la fondation Nelson Mandela. Il «a trahi le pays dont Nelson Mandela avait rêvé», a-t-elle ajouté.

Mais Jacob Zuma n'est pas du genre à démissionner, insiste Xolani Dube, analyste pour le groupe de réflexion Xubera. «On ne cesse de répéter que Zuma va partir (...), mais il est toujours là».

Si Jacob Zuma continue à faire de la résistance, l'ANC pourrait décider de déposer une motion de défiance au Parlement, où il dispose d'une majorité absolue, ou éventuellement lancer une procédure de destitution, forcément longue.

L'opposition a déjà déposé une motion, qui doit être débattue le 22 février.

La dernière soumise au vote, en août, avait échoué à 24 voix près.

Dans ce combat interne à l'ANC, Cyril Ramaphosa, qui a promis de combattre la corruption qui gangrène le sommet de l'État et de faire revenir les investisseurs étrangers dans le pays, joue gros.

«S'il ne parvient pas à se débarrasser de Zuma maintenant, il va apparaître faible», prévient Ben Payton du centre d'études britannique Maplecroft.