Les Angolais attendaient jeudi de connaître le nom de celui qui incarnera le nouveau visage de leur pays après trente-huit ans du règne sans partage exercé par le président José Eduardo dos Santos, qui a décidé à presque 75 ans de passer la main.

Moins de vingt-quatre heures après le début du dépouillement, la Commission nationale électorale (CNE) devait annoncer dans la journée les premiers résultats partiels des élections générales.

Le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), au pouvoir depuis 1975, a la faveur de tous les pronostics et devrait, sauf énorme surprise, conserver la majorité absolue des 220 sièges du Parlement angolais.

En vertu de la Constitution, son candidat, l'ex-ministre de la Défense Joao Lourenço, 64 ans, devrait dans la foulée succéder à M. dos Santos, à la santé fragile.

Mercredi, le président de la CNE, Andre da Silva Neto, s'est déclaré satisfait du déroulement du scrutin.

«Nous sommes satisfaits du comportement des électeurs, c'est une joie pour nous et pour l'Afrique», a-t-il commenté devant la presse, «le processus s'est déroulé normalement en dépit de quelques incidents».

Les deux principaux partis d'opposition, l'Unita (Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola) et la Casa-CE, réservaient jeudi leur jugement sur ce scrutin dont ils ont critiqué, avant même le début de la campagne électorale, les conditions d'organisation qualifiées de «douteuses et inéquitables».

Ils reprochent entre autres au régime d'avoir contraint de nombreux électeurs à voter dans des bureaux très éloignés de leur domicile. Ils affirment aussi avoir été largement privés d'accès aux grands médias publics.

Les états-majors de l'Unita et de la Casa-CE étaient réunis jeudi matin et envisageaient une déclaration commune pour dénoncer des «irrégularités», a confié à l'AFP un de leurs responsables.

«MPLA désespéré»

Après avoir déposé son bulletin dans l'urne mercredi, le dauphin désigné de M. Dos Santos s'était lui déclaré «serein» quant à l'issue des résultats.

Jeudi matin, avant même la diffusion des premiers décomptes, le porte-parole du comité central du MPLA, Joao Martins, n'a pas hésité à affirmer dans la presse locale que la victoire du MPLA était «sans équivoque et pratiquement incontournable».

«La CNE n'a pas encore divulgué de résultats, comment le parti au pouvoir peut-il se déclarer vainqueur ?», a ironisé le porte-parole de l'Unita, Alcides Sakala. «Le MPLA est désespéré parce que tous les signes pointent son échec», a-t-il affirmé à l'AFP.

Tout au long de la campagne électorale, les adversaires du président dos Santos ont attribué au régime la responsabilité de la crise économique et dénoncé la corruption de ses dirigeants.

Après dix ans du boom pétrolier qui a suivi la fin de la guerre civile en 2002, l'Angola subit depuis trois ans une grave crise provoquée par la chute prolongée des cours de l'or noir, sa principale source de revenus.

Dans un pays qui reste cadenassé par le parti au pouvoir, la population, une des plus pauvres de la planète, retient de moins en moins son mécontentement et ses critiques.

«J'attends que les choses changent, il faut plus de travail, plus d'écoles, plus d'hôpitaux et tout le reste», a confié mercredi une électrice du MPLA, Rosaria Almeida, dans un bureau de vote d'un quartier populaire de la capitale Luanda.

Conscient de ces critiques, M. Lourenço a promis un «miracle économique» et de lutter contre la corruption.

Mais beaucoup doutent des capacités de cet apparatchik du MPLA, ancien général à la retraite, à s'attaquer de front au système dos Santos, symbolisé par la nomination l'an dernier de sa fille Isabel, considérée comme la femme la plus riche d'Afrique, à la tête de la compagnie pétrolière nationale.

Le chef de l'État sortant a verrouillé son contrôle du pays en organisant son immunité judiciaire et doit rester, en principe, président du MPLA jusqu'en 2022.

Sans illusion, les 9,3 millions d'inscrits angolais ne semblent pas s'être bousculés aux urnes mercredi, ont constaté les journalistes de l'AFP dans plusieurs bureaux de vote de Luanda.

«L'abstention pourrait être le grand vainqueur de l'élection angolaise», a commenté sur Twitter une spécialiste du pays, Zenaïda Machado, de l'ONG Human Rights Watch.