Les meurtres ciblés sur une base ethnique au Soudan du Sud, en proie à une guerre civile dévastatrice depuis 2013, relèvent d'un «génocide», a estimé la ministre britannique du Développement international, Priti Patel.

«C'est tribal, c'est complètement tribal, et sur cette base, c'est un génocide», a déclaré Mme Patel à des journalistes, mercredi en Ouganda, selon un de ses attachés de presse voyageant avec elle et contacté jeudi par l'AFP.

Mme Patel rentrait d'une visite au Soudan du Sud quand elle a tenu ces propos. Dans un entretien séparé avec l'AFP mercredi, elle avait expliqué y avoir vu des gens «qui ont vécu des traumatismes et des horreurs qu'aucun d'entre nous ne peut comprendre».

Des dissensions politico-ethniques alimentées par la rivalité entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar ont plongé le Soudan du Sud, indépendant depuis 2011, dans la guerre civile en décembre 2013.

Le conflit opposait à l'origine l'ethnie dinka de M. Kiir aux Nuer de M. Machar. Mais d'autres groupes ethniques ont progressivement été pris dans l'engrenage des combats.

La guerre, qui a fait des dizaines de milliers de morts et plus de 3,5 millions de déplacés, a dès le début été marquée par des atrocités à caractère ethnique.

Des Sud-Soudanais réfugiés en Ouganda ont décrit à l'AFP des meurtres commis par les forces pro-gouvernementales et ciblant certains groupes ethniques, les gens étant identifiés par leur langage ou leurs scarifications rituelles.

Le 3 avril, au moins 85 personnes ont ainsi été massacrées dans la ville méridionale de Pajok par l'armée gouvernementale et des miliciens alliés, selon des témoins réfugiés en Ouganda.

Le ministre sud-soudanais de la Communication, Michael Makuei, a qualifié les propos de Mme Patel de «malheureux et trompeurs».

«C'est une déclaration très malheureuse de la part d'une personne irresponsable», a-t-il déclaré à l'AFP. «Il n'y a pas de génocide. Ce sont des choses fabriquées par les gens (les organisations internationales, NDLR) qui font ces rapports.»

À la mi-novembre, le conseiller spécial de l'ONU sur la prévention du génocide, Adama Dieng, avait affirmé devant le Conseil de sécurité avoir vu au Soudan du Sud «tous les signes qui montrent que la haine ethnique et le ciblage des civils peuvent déboucher sur un génocide si rien n'est fait pour l'empêcher».

Quelques semaines plus tard, des experts de l'ONU avaient rapporté qu'un «nettoyage ethnique» était en cours dans plusieurs régions du sud du pays.