Le gouvernement sud-africain a lancé jeudi un appel au calme après une vague de violents incidents anti-immigrés qui ravivent le spectre des émeutes xénophobes meurtrières de 2015 et 2008 et provoqué des tensions diplomatiques avec le Nigeria.

Depuis deux semaines, des dizaines de bâtiments occupés par des étrangers, notamment des Nigérians,  et soupçonnés d'abriter des maisons de passe ou du trafic de drogue ont été brûlés par des riverains en colère à Johannesburg et à Pretoria.

Ces incidents n'ont pas fait de victimes mais conduit la police à renforcer sa présence et à procéder à de multiples arrestations.

Le Nigeria a convoqué jeudi l'ambassadeur d'Afrique du Sud pour exprimer sa «profonde préoccupation» après la récente vague d'attaques.

«Le gouvernement fédéral exhorte le gouvernement sud-africain à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les vies et les biens des étrangers vivant et travaillant en Afrique du Sud» et à «traduire en justice les auteurs de ces actes de violence déplorables», a déclaré la ministre déléguée aux Affaires étrangères Khadija Bukar Abba Ibrahim.

Les flambées de violences anti-immigrés sont récurrentes en Afrique du Sud. Le pays accueille plusieurs millions d'étrangers souvent accusés, dans un contexte de fort chômage, de voler le travail de la population locale et de nourrir la criminalité.

«Je veux appeler tous les Sud-Africains à prendre leurs distances avec la rhétorique ou les actions xénophobes», a déclaré jeudi le ministre de l'Intérieur Malusi Gigaba devant la presse.

Un collectif d'habitants d'un quartier de Pretoria a annoncé une manifestation vendredi pour dénoncer «le gouvernement qui donne du travail aux Zimbabwéens et aux autres étrangers».

Représailles

«Nous travaillons avec eux pour nous assurer qu'il n'y aura pas de violence, de menaces», a assuré M. Gigaba.

Le ministre a également promis de «répondre aux inquiétudes» des organisateurs et de faire respecter les lois en matière d'entrée sur le territoire sud-africain et d'emploi.

Jeudi, une centaine de membres de l'Association nationale des étudiants nigérians ont défilé contre les violences dans la capitale nigériane Abuja, notamment devant les sièges des entreprises sud-africaines Multichoice (fournisseur de télévision par satellite) et MTN (téléphonie mobile).

«Tous les Sud-Africains du Nigeria doivent partir dans les quarante-huit heures, sinon nous ne serons plus en mesure de garantir leur sécurité», a menacé leur responsable, Aruna Kadiri.

«Nous sommes également allés à l'ambassade sud-africaine où nous avons brûlé leur drapeau pour transmettre le message que nous n'avons plus de relations» avec ce pays, a-t-il ajouté.

De nombreuses ONG d'aide aux étrangers ont demandé à M. Gigaba d'interdire la manifestation de vendredi qui, selon elles, «ne peut que renforcer les attitudes xénophobes et les attaques».

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a elle condamné les récentes attaques en rappelant qu'il n'existait «aucune preuve que les étrangers sont à l'origine de la montée de la criminalité et du chômage».

En 2015, 7 personnes sont mortes lors d'émeutes et de pillages visant des commerces tenus par des étrangers à Johannesburg puis à Durban. L'Afrique du Sud a connu en 2008 sa vague de violences xénophobes la plus meurtrière, qui a fait 62 morts.