À l'aide d'images atroces, la procureure de la CPI a décrit mardi l'enfer créé par la sanguinaire rébellion ougandaise de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), au premier jour du procès du « féroce » Dominic Ongwen, l'un de ses commandants les plus redoutés.

Prévenant qu'elle allait diffuser des images « extrêmement perturbantes », la procureure a montré une vidéo prise après une attaque en mai 2004 contre le camp de réfugiés de Lukodi (nord de l'Ouganda), montrant des enfants éventrés et les corps carbonisés de bébés enterrés à la hâte.

Dominic Ongwen, premier membre de la LRA face à la justice, est notamment accusé d'avoir planifié et ordonné cette attaque, assure l'accusation.

D'enfant-soldat à commandant, cet homme de 41 ans « a été promu rapidement » au sein de la LRA « pour sa loyauté au combat et sa férocité », a affirmé la procureure Fatou Bensouda, et cela, « grâce à l'adoption enthousiaste des méthodes violentes » de cette rébellion.

Dominic Ongwen a « nié au nom de Dieu » les 70 accusations de crimes contre l'humanité et crimes de guerre pour des actes commis dans le nord de l'Ouganda entre 2002 et 2005, et plaidé non coupable.

« Je ne suis pas la LRA, la LRA, c'est Joseph Kony, qui est le dirigeant », a-t-il affirmé, assurant n'être qu'une victime d'une milice qui a, selon l'ONU, massacré plus de 100 000 personnes et enlevé plus de 60 000 enfants depuis sa création vers 1987.

« Ne rien laisser en vie »

Fils de deux professeurs, Dominic Ongwen n'est qu'un enfant quand il est enlevé sur le chemin de l'école. À l'époque, Joseph Kony est à la tête de la milice et, mélangeant mystique religieuse, techniques de guérilla et brutalité sanguinaire, tente de fonder un régime basé sur les Dix commandements.

Des victimes ont raconté les rites initiatiques brutaux de la milice, des enrôlés de force contraints de mordre et matraquer amis et parents à mort, de boire du sang. Il est probable qu'Ongwen lui-même ait dû subir ces rites.

La procureure accuse notamment Dominic Ongwen d'avoir mené ou ordonné des attaques « systématiques et généralisées » contre des civils dans quatre camps de réfugiés perçus comme des sympathisants du président ougandais Yoweri Museveni.

Au camp d'Odek en octobre 2004, il aurait ordonné à ses troupes de « tuer les civils et d'enlever les filles jolies et les bons garçons », pour les utiliser en tant qu'esclaves sexuelles ou soldats, a assuré un membre du bureau du procureur, Benjamin Gumpert.

Ses derniers mots avant l'attaque ? « Rien ne peut rester en vie à Odek », a rapporté M. Gumpert.

Mardi, à Lukodi, près de 500 personnes, pour la plupart des fermiers, ont envahi l'école primaire pour assister en direct aux procédures.

Un moment douloureux pour Alanyo Juzima : les soldats de la LRA « ont brûlé ma grand-mère dans sa propre hutte et abattu le fils de l'autre femme de mon mari », raconte-t-elle à l'AFP.

Responsabilité morale

Contrairement aux quelque 9000 personnes ayant fui les rangs de la LRA, Dominic Ongwen a choisi de rester et a enrôlé des combattants, des enfants « si petits que l'extrémité de leurs AK47 traînait par terre quand ils se déplaçaient », a assuré la procureure.

Dominic Ongwen doit aussi répondre de « mariages forcés », distribuant comme des « trophées de guerre » les fillettes enlevées dans les villages, et, pour la première fois, de « grossesses forcées ».

Selon des tests ADN cités par l'accusation, il serait le père d'au moins onze enfants.

Vêtu d'un costume gris clair et d'une chemise lavande, Dominic Ongwen est apparu mardi concentré devant la Cour de La Haye, prenant des notes ou croisant parfois les bras dans une attitude de défi.

La défense assure qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique lié à son passé et qu'il était sous la menace d'une mort imminente.

L'ex-commandant s'était rendu aux forces spéciales américaines en janvier 2015 en Centrafrique. À l'époque, les États-Unis avaient mis sa tête à prix pour 5 millions de dollars.

Après l'accusation, les représentants de 4000 victimes auront la parole mercredi avant que ne commence en janvier la présentation des éléments à charge, ce qui pourrait durer plusieurs années. Ce n'est qu'après que la défense a choisi de s'exprimer.

Les observateurs assurent que ce procès soulève de profondes questions sur les poursuites d'enfants-soldats soumis à des années d'abus.

Ce passé « n'est ni une justification ni une excuse », a réfuté la procureure : « chaque être humain doit être tenu moralement responsable de ses actes ».