Le dernier détenu mauritanien de la prison militaire américaine de Guantanamo, Mohamedou Ould Slahi, auteur du livre Carnets de Guantanamo, a été libéré et ramené dans son pays lundi, où il a retrouvé sa famille après 14 ans de détention.

Reçu à son arrivée par les services de sécurité mauritaniens, M. Ould Slahi est arrivé en début de soirée chez lui à Toujounine, un quartier populaire du sud-est de Nouakchott, la capitale, habillé d'un boubou traditionnel mauritanien, a constaté le correspondant de l'AFP.

Apparemment très gai et en bonne santé, l'ex-prisonnier, 45 ans, a reçu un accueil festif des membres de sa famille et de dizaines d'amis et de proches. Il a été conduit à la maison familiale par le directeur de la Sûreté nationale, escorté  par une voiture de police.

Dans une première réaction diffusée par la télévision nationale, Mohamedou Ould Slahi a remercié le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz pour «les efforts faits en faveur de son retour dans son pays», disant en avoir «été informé par les Américains».

Il n'a pas évoqué ses conditions de détention, largement décrites dans son livre.

«Les États-Unis remercient le gouvernement de Mauritanie pour son geste humanitaire et sa volonté de soutenir les efforts américains pour fermer le centre de détention de Guantanamo», a déclaré le Pentagone dans un communiqué.

Après ce transfert, il reste 60 détenus dans cette prison ouverte à Cuba après les attentats du 11 Septembre 2001 pour y regrouper les prisonniers de la «guerre contre le terrorisme» du président George W. Bush.

Une source de sécurité mauritanienne avait annoncé dans un premier temps la libération de Mohamedou Ould Slahi à l'AFP à Nouakchott peu après son arrivée, précisant qu'il devrait être entendu par les services de sécurité avant de retrouver les siens.

L'agence mauritanienne d'information (AMI, officielle) a déclaré que «la libération de ce citoyen est le fruit d'efforts diplomatiques fournis aux plus hauts niveaux, des années durant, par les autorités mauritaniennes». 

Version largement expurgée

Mohamedou Ould Slahi était détenu à Guantanamo sans procès depuis août 2002.

Arrêté en 2001 en Mauritanie, il avait été successivement emprisonné en Jordanie et en Afghanistan, avant d'arriver à Guantanamo, dans ce qu'il a appelé dans son livre une «tournée mondiale de la torture et de l'humiliation».

Dans Guantanamo Diary («Carnets de Guantanamo»), publié il y a près de deux ans, il raconte comment il a été torturé et poussé à de faux aveux.

Il avait ainsi faussement affirmé avoir planifié un attentat contre la tour CNN de Toronto, pour faire cesser les souffrances qui lui étaient infligées.

Les autorités américaines l'accusaient d'être un membre d'Al-Qaïda, ayant participé à la «cellule de Hambourg», en Allemagne, liée aux attentats du 11-Septembre.

Présenté comme le premier livre publié à avoir été écrit par un homme toujours détenu à Guantanamo, l'ouvrage a subi de très nombreuses retouches avant sa parution.

En janvier 2015, le quotidien britannique The Guardian, qui en avait publié de larges extraits en avant-première, indiquait que les éditeurs espéraient pouvoir publier une version non expurgée une fois son auteur libéré.

Avant Mohamedou Ould Slahi, un autre Mauritanien, Ahmed Ould Abdel Aziz, avait été libéré en octobre 2015 après avoir passé 13 ans à Guantanamo.

Le président Barack Obama, successeur de George W. Bush, s'était engagé à fermer ce camp de prisonniers, devenu un argument de recrutement et de propagande pour les djihadistes.

Mais il est en passe de perdre son pari, faute d'avoir trouvé un compromis avec le Congrès pour un futur lieu de détention pour les détenus jugés non libérables.

Il a néanmoins considérablement vidé Guantanamo, qui comptait 242 détenus, soit quatre fois plus, lors de son investiture en janvier 2009.

Mohamedou Ould Slahi