Le Nigeria, qui a vu sa production pétrolière chuter du tiers depuis le début de l'année en raison d'une série d'attaques ciblant le sud du pays, espère ramener le calme dans la région en négociant avec les « Vengeurs du delta du Niger ».

Les rebelles regroupés sous cette étiquette viennent d'annoncer qu'ils entendaient suspendre leurs actions violentes dans cette zone sensible en vue d'ouvrir des pourparlers avec le régime du président Muhammadu Buhari.

L'annonce est cependant loin de garantir la fin des hostilités, prévient John Campbell, spécialiste de l'Afrique rattaché au Council on Foreign Relations.

Plusieurs groupes armés aux revendications disparates sont actifs dans le delta du Niger, où sont implantés plusieurs géants pétroliers, ce qui complique l'appréciation de l'importance de l'annonce des Vengeurs du delta du Niger.

On y trouve aussi bien des militants nationalistes qui réclament la sécession d'une partie d'un territoire que des criminels qui font leur pain quotidien en siphonnant illégalement du pétrole.

Parfois, le même individu joue les deux rôles, note M. Campbell. « Une personne peut être un combattant de la liberté un jour et un voleur le lendemain », relève-t-il pour illustrer la complexité de la dynamique.

L'OR NOIR COMME FERMENT DE LA RÉBELLION

Le principal liant des rebelles actifs dans la zone du delta du Niger est le sentiment que la population locale ne reçoit pas sa part des richesses générées par l'exploitation pétrolière tout en subissant directement ses contrecoups écologiques.

Frank Chalk, professeur d'histoire à l'Université Concordia qui connaît bien la situation du Nigeria, souligne que des efforts ont été faits au fil des ans pour assurer une meilleure redistribution de la manne pétrolière à l'échelle du pays, sans toutefois donner de résultats probants.

La corruption qui prévaut parmi les élus fait en sorte qu'une partie importante de l'argent n'arrive jamais à destination, ce qui maintient la population du delta du Niger dans la misère.

La situation alimente les sentiments sécessionnistes, qui se manifestent notamment par une résurgence des appels à une plus grande autonomie pour le Biafra, dans le sud-est du pays.

Ces revendications trouvent écho dans le discours des Vengeurs du delta du Niger, qui évoquent leur volonté de scinder le sud et le nord du pays - une demande n'ayant aucune chance d'être accueillie favorablement par le gouvernement central.

« Les rebelles disent d'un côté qu'ils sont prêts à s'asseoir à la table pour négocier, mais avancent de l'autre des demandes qui garantissent que rien ne va aboutir. » - John Campbell, spécialiste de l'Afrique rattaché au Council on Foreign Relations

DES ATTAQUES COÛTEUSES

L'incidence des attaques contre les infrastructures pétrolières - qui ont fait chuter en huit mois la production nationale de près de 800 000 barils par jour - a un lourd impact financier sur le gouvernement.

« Le cours du pétrole s'est effondré au niveau international alors que les exportations de pétrole représentent 70 % des revenus du gouvernement central. Ils sont forcés de couper tous azimuts », résume M. Chalk.

À son arrivée au pouvoir, en janvier, le président Buhari a évoqué la situation économique du Nigeria pour revoir les modalités d'un plan d'amnistie qui avait permis de tranquilliser une précédente insurrection dans le delta du Niger en 2009.

L'aide mensuelle de 400 $ versée à des milliers d'anciens combattants a alors été réduite, ce qui a alimenté le regain de tension.

L'argent versé dans la région à l'époque a surtout servi à apaiser les seigneurs de guerre locaux, relève M. Campbell, qui évoque une sorte de « pot-de-vin pour la paix ».

Selon lui, l'aide aux anciens combattants a été partiellement rétablie au cours des dernières semaines afin d'apaiser les esprits.

« C'est cependant impossible de savoir combien d'argent a été coupé, quelle part a ensuite été rétablie et qui en profite le plus. La situation est très ambiguë. C'est toujours comme ça au Nigeria », souligne l'analyste du Council on Foreign Relations.

Photo Cliff Owen, archives Associated Press

À son arrivée au pouvoir, en janvier, le président Buhari a évoqué la situation économique du Nigeria pour revoir les modalités d’un plan d’amnistie qui avait permis de tranquilliser une précédente insurrection dans le delta du Niger en 2009.