Des 4500 tonnes de nourriture destinée à nourrir durant un mois plus de 220 000 Sud-soudanais en détresse alimentaire, il ne reste plus rien. Pas même le hangar du Programme alimentaire mondial (PAM) de Juba, où elle était stockée.

Entre le 8 et le 11 juillet, au moins 300 personnes ont été tuées dans la capitale Juba lors de heurts entre les forces gouvernementales et les anciens rebelles. Alors que les combats faisaient rage, des combattants ont dérobé la nourriture stockée dans le hangar de l'agence onusienne.

Et quelques jours plus tard, une fois le calme revenu - mais le chaos toujours latent -, ce sont cette fois les civils qui ont poursuivi le pillage.

Le PAM - la plus importante agence humanitaire pour la lutte contre la faim dans le monde - s'est dit «indigné» par le vol de cette nourriture censée être distribuée «aux plus pauvres et aux plus vulnérables» dans un pays qui sombre chaque jour un peu plus dans la famine.

Samedi, un soldat furieux pointait son arme devant l'enceinte grillagée du PAM, interdisant à quiconque d'y pénétrer ou de prendre des photos. Même de loin, il était pourtant clair qu'il n'en restait plus rien.

Un journaliste de l'AFP apercevait encore, au loin dans l'enceinte, des hommes démanteler des camions à coups de marteau, d'autres arracher les câbles électriques des bureaux ou déchirer les rares morceaux de bâches en plastique recouvrant l'ossature en métal du hangar, qui ne ressemblait plus qu'à une vieille carcasse évidée.

Pour Lul Ruai Koang, porte-parole de l'armée, ce pillage est «regrettable». Il accuse directement les troupes du vice-président Riek Machar, 1400 hommes, qui avant le retour de leur chef au gouvernement appartenaient aux forces rebelles. Juba est relativement calme depuis que les tanks et les hélicoptères de l'armée les ont contraints à quitter la ville.

Une grande partie du pillage du PAM a été réalisé dans la semaine à l'aide de camions: un exercice logistique d'une grande organisation, nécessitant des centaines de va-et-vient entre le hangar et la périphérie de Juba.

«Plus rien à manger»

Selon plusieurs habitants des environs, des «hommes en uniforme» ont même utilisé un camion-grue pour emporter des générateurs électriques de la taille de minibus, qui servaient à alimenter la base principale du PAM.

«Une fois que les soldats étaient partis, les civils sont venus voir ce qu'ils pouvaient prendre», raconte James Keri, habitant du district voisin de Gudele, un quartier ponctué de maisons détruites par les récents combats.

Le peu qui restait a ensuite été emporté par voiture, moto ou brouette. Des litres d'huile de cuisson ou encore des tôles ont été transportés à la hâte, sur les têtes.

La famine touche près d'un tiers des Sud-soudanais et le pays pourrait plonger dans une crise encore plus grave. Selon le PAM, cette perte immense d'aide alimentaire «vitale» va «considérablement freiner» les efforts pour assister les victimes du conflit.

Près de 5 millions de Sud-Soudanais, sur une population de 11 millions, dépendent aujourd'hui de l'aide alimentaire, un chiffre encore jamais atteint dans la plus jeune nation au monde. Une situation qui empire, les récents combats ayant fait grimper les prix des denrées sur les marchés.

La directrice du PAM, Ertharin Cousin, regrette que «ce nouveau conflit aggrave encore la situation pour les civils, affamés et désespérés» par deux ans de guerre, d'autant que «le désastre humanitaire dans les autres régions du Soudan du Sud ne s'est pas arrangé».

Non loin du hangar pillé, l'ONG Médecins sans frontières (MSF) a installé une petite tente, convertie en clinique mobile pour venir en aide aux populations forcées à fuir leur maison pendant l'attaque.

Des civils sont arrivés, blessés par balles, juste après les premiers échanges de tirs, explique Isaac Badi, responsable du programme MSF, au milieu de femmes et de bébés en pleurs dans la chaleur écrasante de la tente. «Maintenant, nous devons faire face à des cas de malnutrition infantile», témoigne-t-il.

Plus de 100 000 enfants ont été soignés pour des cas de malnutrition sévère cette année, soit 40% de plus que l'année dernière, et bien plus du double qu'en 2014, d'après l'UNICEF.

«Les combats étaient si forts, on a passé un jour entier cachés sous les lits, alors que les balles criblaient les murs de la maison», raconte Mary Wani, une habitante de Juba. «Ils nous ont chassés de nos maisons et nous ont volé tout ce qu'ils pouvaient.» À présent, confie-t-elle, son bébé en pleurs dans les bras, «nous n'avons plus rien à manger.»