Après plusieurs jours d'atermoiements, le chef rebelle sud-soudanais Riek Machar est enfin arrivé mardi à Juba, où il a immédiatement prêté serment comme vice-président, et appelé à «l'unité» et à la «réconciliation» pour mettre fin à plus de deux ans de guerre civile.

«Nous devons rassembler notre peuple pour qu'il puisse s'unir et guérir de ses blessures», a d'abord déclaré M. Machar à la presse à l'aéroport de Juba. Vêtu d'une chemise colorée, il a été accueilli par des ministres et des diplomates à sa descente d'avion.

Il est parti dans la foulée au palais présidentiel pour prêter serment, devant de hauts responsables de l'Union africaine (UA) et l'ancien chef d'État botswanais Festus Mogae, qui préside la Commission de surveillance et d'évaluation (JMEC) de l'accord de paix signé le 26 août 2015.

«Je suis pleinement engagé dans la mise en oeuvre de cet accord, afin que le processus de réconciliation et de guérison commence aussi vite que possible, pour que les gens puissent avoir foi dans le pays pour lequel ils se sont battus pendant si longtemps», a-t-il déclaré en prêtant serment.

Plus jeune pays au monde, le Soudan du Sud a proclamé son indépendance en juillet 2011, sur les ruines de décennies de conflit avec le pouvoir central soudanais de Khartoum.

Riek Machar avait déjà occupé le poste de vice-président entre juillet 2011 et juillet 2013, quand il avait été démis de ses fonctions par le président Salva Kiir. Il n'avait plus remis les pieds dans la capitale depuis le début du conflit en décembre 2013,

Un retour qui ne règle pas tout

«Je suis très heureux d'accueillir et recevoir mon frère Riek Machar (...) et je n'ai aucun doute que son retour à Juba marquera la fin de la guerre», a déclaré le président Kiir, en appelant les Sud-Soudanais à oeuvrer à la paix et s'excusant auprès de la communauté internationale pour les retards pris par le processus de paix.

M. Machar était initialement attendu le 18 avril à Juba, où il doit maintenant former un gouvernement de transition avec M. Kiir, conformément à l'accord de paix.

Mais son retour a été chaque jour repoussé, au grand dam des partenaires internationaux, la rébellion et le gouvernement ne parvenant pas à s'accorder sur des détails comme la quantité d'armes que la garde rapprochée de M. Machar pouvait emporter avec elle dans la capitale.

Le Soudan du Sud a plongé dans la guerre civile en décembre 2013 quand des combats ont éclaté au sein de l'armée nationale, minée par des dissensions politico-ethniques alimentées par la rivalité entre MM. Kiir et Machar.

Le conflit, notamment marqué par des massacres à caractère ethnique, des viols et des tortures, a fait des dizaines de milliers de morts (le bilan exact reste inconnu) et plus de 2,3 millions de déplacés.

Même si le retour de M. Machar à Juba est considéré comme une condition sine qua non à la mise en oeuvre de l'accord de paix, il est loin de tout régler. Le feuilleton des derniers jours montre à quel point la défiance est grande entre les deux camps.

Des défis immenses

M. Kiir s'est voulu optimiste lors de la prestation de serment. «Notre peuple est fatigué de la guerre et nous avons besoin de la paix maintenant», a-t-il affirmé.

«Le chemin devant nous continuera à présenter des défis, mais nous sommes déterminés à aller de l'avant», a-t-il assuré. Son ministre des Finances David Deng Athorbei a acquiescé en disant voir dans le retour de M. Machar «le dernier clou dans le cercueil de la guerre».

À New York, Hervé Ladsous, patron des opérations de maintien de la paix de l'ONU, a espéré que ce retour permette d'ouvrir «un chapitre nouveau pour le pays» et de «commencer véritablement la transition».

Mais les défis qui attendent MM. Kiir et Machar sont immenses. Ils devront laisser de côté leur ressentiment l'un pour l'autre, et prouver qu'ils peuvent maîtriser complètement les éléments les plus radicaux au sein de leurs camps respectifs.

Malgré la signature de l'accord de paix, les affrontements n'ont jamais cessé. Les combats opposent aussi de nombreux groupes armés aux intérêts souvent locaux et qui ne s'estiment pas soumis aux accords écrits.

Le moindre incident pourrait enflammer Juba, où 1370 rebelles armés font face aux 3420 hommes du gouvernement, selon les termes de l'accord de paix.

L'ONU réclame un gouvernement d'union nationale

Les Nations unies ont réclamé mardi la formation rapide d'un gouvernement d'union nationale entre les belligérants au Soudan du Sud, à la suite du retour à Juba du chef des rebelles Riek Machar, investi comme vice-président.

Le Conseil de sécurité «demande fermement à toutes les parties de former rapidement le gouvernement de transition et d'appliquer pleinement l'accord de paix» conclu en août 2015 entre les partisans du président Salva Kiir et les rebelles, a déclaré son président, l'ambassadeur chinois Liu Jieyi. «Il reste beaucoup de travail à faire pour ramener la paix et la stabilité» dans le pays.

Les 15 pays membres exigent aussi que les belligérants respectent le droit humanitaire international, facilitent la livraison des secours à la population et accordent la «liberté de mouvement» à la mission de l'ONU sur place.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait auparavant réclamé «la formation immédiate du gouvernement d'union nationale».

Le retour à Juba et l'investiture de Riek Machar comme vice-président «marquent une nouvelle étape dans l'application de l'accord de paix», avait souligné M. Ban dans un communiqué.

Il avait invité le Conseil à coopérer avec l'Union africaine et avec l'organisation régionale IGAD «afin de mobiliser tout le soutien nécessaire en faveur du processus de paix».