Le calme régnait dans N'Djamena vendredi après la réélection sans surprise, dès le premier tour, du chef de l'État tchadien Idriss Deby Itno, au pouvoir depuis 26 ans, pour un cinquième mandat, même si l'opposition dénonce un «hold-up électoral».

Dans l'après-midi, le premier ministre, Albert Pahimi Padacke, a «exhorté les uns et les autres à privilégier le cas échéant les voies de recours constitutionnelles devant les instances compétentes». Avant de prévenir «que toute tentative d'atteinte à l'ordre public se heurtera à la rigueur froide de la loi».

Le chef de l'opposition Saleh Kebzabo arrive en deuxième position avec seulement 12,80 % des voix contre 61,56 % au chef de l'État, selon les résultats provisoires annoncés jeudi soir par la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI).

Les résultats provisoires de l'élection qui s'est tenue le 10 avril doivent être avalisés dans un délai de 15 jours par le Conseil constitutionnel.

Plus de six millions d'électeurs étaient inscrits et le taux de participation a été de 71,11 %.

Au total, 13 candidats se présentaient à cette élection dont Idriss Deby, qui disposait des structures d'État et de moyens financiers nettement supérieurs à ses adversaires, était le grand favori.

Toute la nuit, la victoire du président Deby a été saluée par des coups de canon et des rafales de fusil automatique tirés par les militants de son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS), qui s'étaient donné rendez-vous sur la vaste place de la Nation de N'Djamena, face au palais présidentiel.

N'Djamena quadrillée

Vendredi, comme la veille et le jour du premier tour, la capitale était quadrillée par nombre de policiers, gendarmes et bérets rouges de la garde présidentielle, présents à tous les carrefours, a constaté l'AFP.

Les huit candidats opposants, qui accusent depuis plusieurs jours le pouvoir de fraudes et ont envisagé la constitution «d'un gouvernement de salut public», se sont réunis vendredi dans la capitale.

Ils ont ensuite «réitéré leur volonté à défendre la vérité des urnes qui est favorable au changement». «Les résultats en notre possession tirés des procès-verbaux remis aux délégués des candidats dans les bureaux de vote et qui seront publiés incessamment contredisent les chiffres de la CÉNI», affirment-ils.

Ils «réaffirment leur refus de reconnaître le hold-up électoral et les institutions qui en émanent» et «appellent la population à sauvegarder jalousement et sereinement sa souveraineté».

Avant la publication des résultats, ces huit candidats avaient estimé qu'aucun candidat «ne peut l'emporter au premier tour» au vu des résultats dans les régions dont ils disaient disposer.

Les signataires dénonçaient «la disparition de centaines d'urnes et de milliers de procès-verbaux», ajoutée notamment au «trafic de cartes d'électeurs» de la part du MPS.

Ils dénonçaient également la disparition de militaires qui n'auraient pas voté pour Idriss Deby et dont certains, «arrêtés et emprisonnés», sont «à ce jour portés disparus».

À part la réélection de Deby, la bonne opération est celle du candidat arrivé troisième, Laokein Kourayo Medar, maire de Moundou, capitale économique située dans le sud, qui remporte 10,69 % des suffrages pour une première participation à une présidentielle. «Il a eu une bonne gestion dans sa ville, les électeurs l'ont soutenu», commente un journaliste.

«1er tour, KO»

La réélection de Deby, dont le slogan de campagne était «1er tour, KO», intervient au moment où les administrations, hôpitaux, écoles et universités sont en grève depuis de longues semaines: pour des arriérés de salaires, de bourses, toujours pour les moyens de survie quotidienne.

Mais la société civile n'a pas le droit de manifester pour une alternance démocratique. Pour avoir enfreint cette interdiction, quatre de ses leaders ont été emprisonnés trois semaines avant d'être condamnés à quatre mois de prison avec sursis.

À cette tension sociale, s'ajoute la menace d'attentats par les islamistes du groupe nigérian Boko Haram, qui ont frappé deux fois à N'Djamena en 2015, et qui légitiment d'autant plus l'imposant déploiement sécuritaire d'un régime guerrier qui, en 26 ans de pouvoir, s'est maintenu par les armes.

Malgré la manne pétrolière depuis 2003, le Tchad est classé par l'ONU parmi les cinq pays les plus pauvres au monde. Soixante-dix pour cent de ses 13 millions d'habitants sont analphabètes.