L'opposition zimbabwéenne a réuni jeudi plus de 2000 manifestants dans les rues d'Harare, pour la plus importante marche organisée en près de dix ans contre Robert Mugabe, le président de 92 ans qui dirige son pays d'une main de fer sans interruption depuis 1980.

À l'appel du mouvement d'opposition MDC (Mouvement pour un Changement démocratique), les manifestants ont brandi des pancartes et chanté des slogans anti-Mugabe, sous l'oeil vigilant de la police. En tenue anti-émeute et armés de canons à eau, les policiers ne sont toutefois pas intervenus.

Le régime, devenu de plus en plus autoritaire au fil des années, a rarement hésité par le passé à faire réprimer brutalement les manifestations hostiles au pouvoir.

«Mugabe n'a aucune solution à la crise», a lancé Morgan Tsvangirai, le leader du MDC, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle: «Nous sommes ici pour dire à Mugabe et à son régime qu'ils ont échoué».

«Nous ne demandons pas à renverser le gouvernement, nous demandons une sortie digne pour Mugabe, fatigué (...). Il est temps que Mugabe écoute la voix du peuple, le peuple doit se libérer lui-même», a martelé l'opposant numéro un du président, frappé par la police lors de la dernière grande manifestation de l'opposition, en 2007.

Plus vieux chef d'État en exercice au monde, Mugabe affirme qu'il peut «gouverner jusqu'à 100 ans» et envisage de se représenter à l'élection présidentielle de 2018.

Malgré les rumeurs qui courent depuis des années sur sa santé déclinante, cet ancien héros de la guerre d'indépendance est toujours présent sur la scène publique. Mais son âge, et certains signes visibles de faiblesse - chute, erreurs dans ses discours - nourrissent désormais toutes les spéculations sur les conditions de sa succession, qui détermineront l'avenir du pays.

Paria en Occident

Après de premières années d'indépendance plutôt sereines, le Zimbabwe s'est enfoncé au tournant du siècle dans une terrible crise économique dont il ne s'est jamais remis.

La monnaie nationale a été supprimée après une hyperinflation, et les échanges se font désormais en dollar américain. L'agriculture autrefois prospère a périclité, au point que le pays connaît des épisodes de disette. Les défenseurs des droits de l'homme dénoncent l'autoritarisme du régime et la violence politique. Et des centaines de milliers, voire des millions de Zimbabwéens ont émigré en Afrique du Sud voisine pour tenter d'échapper au chômage et à la misère.

La situation est aggravée cette année par la terrible sécheresse qui frappe l'Afrique australe. Jusqu'à 4 millions de personnes, sur une population de 14 millions d'habitants, ont besoin d'aide alimentaire, selon la ministre de la Santé Prisca Mupfumira.

L'UNICEF pour sa part dénombre 33 000 enfants en situation de «malnutrition aiguë sévère».

L'opposition accuse Mugabe, devenu un paria en Occident, et son régime d'être responsables de cette dégringolade. La réforme agraire des années 1980 est régulièrement citée parmi les causes du désastre: cette réforme s'est traduite par l'expulsion de milliers de fermiers blancs et la redistribution des terres agricoles à quelque 300 000 Noirs souvent inexpérimentés, sous-équipés, et sans moyens pour investir.

Début mars, le Fonds Monétaire International a appelé dans un rapport officiel le gouvernement à agir pour redresser l'économie: «Le Zimbabwe ne peut pas attendre et doit agir maintenant», affirmait Domenico Fanizza, chef d'une mission du FMI en visite dans le pays: «Une action politique est nécessaire pour inverser cette tendance. Un programme de transformation économique ambitieux est nécessaire pour revitaliser l'économie zimbabwéenne».

PHOTO JEKESAI NJIKIZANA, AFP

Un manifestant tient une pancarte sur laquelle on peut lire un appel au départ du président Mugabe, à Harare, le 14 avril.