Le président congolais Denis Sassou Nguesso, qui cumule 32 ans de pouvoir à la tête de son pays, a été réélu au premier tour dimanche avec 60,39 % des voix, selon les résultats officiels publiés dans la nuit de jeudi et contestés par ses deux principaux concurrents.

L'annonce officielle de la victoire de M. Sassou Nguesso a été faite à la télévision nationale par le ministre de l'Intérieur, Raymond Zéphyrin Mboulou, peu après 3 h 30 du matin (22 h 30 mercredi à Montréal), alors que le pays était privé de télécommunications depuis plus de quatre jours.

Selon le décompte officiel, Guy-Brice Parfait Kolélas arrive deuxième avec un peu plus de 15,05 % des voix, et le général Jean-Marie Michel Mokoko troisième avec environ 13,89 %.

Parlant à la presse à son siège de campagne peu après l'annonce des résultats, M. Sassou Nguesso a estimé que le peuple congolais avait «pris son destin en main» et jugé que la campagne électorale avait donné lieu à un «débat démocratique «...» très ouvert».



Appel à la désobéissance civile

Le général Jean-Marie Michel Mokoko, candidat de l'opposition congolaise qui dénonce des fraudes à l'élection présidentielle, a lancé un «appel à la désobéissance civile généralisée» dans un texte parvenu à l'AFP.

«Il est temps de cesser d'avoir peur! Je vous demande de réclamer votre vote confisqué et volé», écrit le général Mokoko, sans préciser ce qu'il entend par un mouvement de désobéissance civile.

«Ce n'est pas un appel à manifester, l'opposition ne veut pas un bain de sang. Il est demandé à la population de ne pas aller au travail, c'est une grève générale, une protestation pacifique», a précisé à Paris l'un des avocats du général, Me Norbert Tricaud, lors d'une conférence de presse.

«Le général Mokoko et l'ensemble de l'opposition réclament un recomptage du vote sous contrôle d'observateurs internationaux», a-t-il rappelé. «Le général n'est pas un putschiste, il veut que l'on reconnaisse que la victoire du peuple congolais a été volée», a renchéri son représentant en France, Marc Mapingou.

Mercredi, M. Kolélas et le général Mokoko avaient contesté les résultats partiels publiés la veille par la Commission nationale électorale indépendante (CNEI), qui donnait M. Sassou Nguesso en tête avec 67 % des voix.

«Je savais d'avance que les dés étaient pipés, mais nous avions accepté de jouer le jeu», a déclaré le général Mokoko, qui était jusqu'en février conseiller du président Sassou Nguesso pour les affaires de paix et de sécurité, déplorant que les résultats publiés par la CNEI n'aient fait qu'avérer, selon lui, ses «présuppositions».

Vivien Manangou, porte-parole de M. Kolélas, a estimé pour sa part que la réélection de M. Sassou Nguesso relevait d'une «fraude massive» et de la «magie».

Déploiement policier

À Brazzaville, dans les quartiers sud de la ville, acquis à l'opposition, la majeure partie des boutiques sont restées fermées toute la journée de mercredi après un déploiement massif de soldats et policiers lourdement armés dans la nuit de mardi à mercredi.

Selon M. Manangou, les forces de l'ordre ont pénétré au siège de campagne de M. Kolélas mardi vers midi, tirant des grenades lacrymogènes et provoquant une bousculade qui aurait fait un mort.

Un journaliste français a indiqué avoir assisté à la scène. La mort d'un militant de M. Kolélas n'a pu être confirmée.

La candidature de M. Sassou Nguesso, né en 1943, a été rendue possible après un récent changement de constitution qualifié de «coup d'État constitutionnel» par les détracteurs du chef de l'État.

En l'absence de télécommunications, M. Kolélas n'a pu être joint pour réagir à l'annonce de la victoire de M. Sassou Nguesso.

Les autorités avaient décidé de couper toutes télécommunications (textos, internet et téléphone) la veille du scrutin pour des raisons de «sûreté nationale» afin d'empêcher l'opposition de commettre une «illégalité» en publiant elle-même les résultats de l'élection.

«Les communications vont être ouvertes tout à l'heure, là», a déclaré M. Sassou. À 6 h (1 h, heure de Montréal), elles n'avaient cependant pas été rétablies.

Coup d'État électoral

Unis par un pacte anti-Sassou, cinq candidats, dont M. Kolélas et le général Mokoko, ont créé une «Commission technique électorale» (CTE) chargée de surveiller le scrutin et de compiler les résultats des bureaux de vote sur la base de leurs procès-verbaux.

Sur la base de ces données, l'opposition dit avoir la «certitude» de l'élimination de M. Sassou Nguesso et qu'un deuxième tour devrait avoir lieu.

La CTE a donné lecture à la presse mercredi de ce qu'elle estime être les résultats réels dans un grand nombre de circonscriptions, mais n'a pas été en mesure de fournir une estimation de résultats partiels à l'échelle nationale.

M. Manangou a mis «au défi» la CNEI de «démontrer juridiquement et scientifiquement» ses résultats.

Dans un communiqué, auquel le général Mokoko a indiqué avoir donné son assentiment, Charles Zacharie Bowao, coordonnateur de la plateforme électorale soutenant les cinq candidats du pacte anti-Sassou, a qualifié le scrutin de dimanche de «coup d'État électoral» et affirmé que «les candidats signataires» de l'alliance étaient déterminés à «faire respecter le résultat des urnes».

On ne savait pas jeudi matin si M. Kolélas approuvait cette position.

«Ne comptez pas sur «M. Kolélas» pour entrer dans une épreuve de force, de violence», a néanmoins déclaré M. Manangou, répétant que son candidat était déterminé à contester les résultats officiels par les voies légales.

PHOTO MARCO LONGARI, ARCHIVES AFP

Le général Jean-Marie Michel Mokoko.