L'Union européenne a officiellement suspendu lundi son aide directe au régime du président Pierre Nkurunziza en réponse aux violences qui secouent le Burundi, appelant une nouvelle fois les autorités au dialogue avec l'opposition.

L'UE a «suspendu les appuis financiers directs fournis à l'administration burundaise, y compris les appuis budgétaires, mais maintient intégralement son soutien financier à la population et son aide humanitaire», affirme un communiqué de l'UE.

Avec une aide globale de quelque 430 millions d'euros pour la période 2015-2020, l'UE est le premier donateur du Burundi. Les principaux pays donateurs avaient déjà suspendu leur aide bilatérale au Burundi, dont l'économie est ruinée par plus de dix mois d'instabilité.

«Le gouvernement du Burundi n'a pas été surpris par cette décision. On s'y attendait, même si elle est prise après une série de mesures qui redressaient la situation dans les domaines des droits de l'Homme et sécuritaire», a réagi le ministre burundais des Relations extérieures, Alain-Aimé Nyamitwe, joint par téléphone.

«Il s'agit de mesures prises dans l'intérêt de la population et pas pour plaire à tel ou tel de nos partenaires», a affirmé le ministre burundais à l'AFP.

La décision était dans les tuyaux après l'échec en décembre de consultations entre Bujumbura et l'UE réclamées par les Européens à la suite des violences qui secouent ce pays. Elle a été prise lundi par les 28 ministres des Affaires étrangères de l'UE lors de leur réunion mensuelle à Bruxelles.

«La situation au Burundi reste très préoccupante pour l'UE, bien que nous ayons récemment entrevu quelques lueurs d'espoir (...) Pour que nos relations reprennent totalement, nous attendons qu'un certain nombre de mesures concrètes soient mises en oeuvre», a déclaré la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, citée dans le communiqué.

Elle appelle notamment à la reprise du «dialogue interburundais conduit sous la médiation de la Communauté est-africaine (EAC), qui joue un rôle essentiel dans la recherche d'une solution politique durable à la crise».

Sanctions

Le commissaire européen au Développement, Neven Mimica, a demandé «instamment au gouvernement de faire preuve de la volonté nécessaire pour que nos relations avec le Burundi se normalisent à nouveau».

«Des projets financés par l'UE visant à assurer l'accès de la population aux services de base, mais sans acheminer les ressources financières par des comptes détenus par le gouvernement burundais, sont en cours d'élaboration, et l'UE reste déterminée à fournir une aide d'urgence», a précisé M. Mimica.

Le Burundi a plongé dans une grave crise, émaillée de violences, lorsque le président Nkurunziza a annoncé sa candidature en avril 2015 pour un troisième mandat qu'il a obtenu en juillet, en violation - selon l'opposition, la société civile et une partie de son propre camp - de la Constitution et de l'accord d'Arusha qui a mis fin à la guerre civile de 1993-2006.

Ces violences ont déjà fait plus de 400 morts et poussé plus de 240 000 personnes à quitter le pays.

L'UE a déjà suspendu par le passé son aide directe aux autorités, notamment au Zimbabwe, à Madagascar ou en Guinée, invoquant à chaque fois l'article 96 des Accords de Cotonou, qui régissent la coopération entre l'UE et les pays de la zone ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique).

Les Européens avaient adopté en octobre 2015 des sanctions contre quatre personnalités au Burundi en raison de leur implication dans la répression et les violences contre des opposants et la société civile dans le pays, et elle a menacé d'étendre ces sanctions si la répression se poursuivait.