Les ambassadeurs du Conseil de sécurité de l'ONU sont partis mercredi pour le Burundi où ils vont tenter de persuader le gouvernement d'ouvrir un dialogue avec l'opposition et d'accepter le déploiement d'une force de l'Union africaine.

C'est la deuxième visite des 15 ambassadeurs en moins d'un an dans ce petit pays plongé depuis avril 2015 dans une grave crise qui menace de dégénérer en guerre civile, voire en génocide.

«Nous avons raison d'être inquiets», a déclaré à l'AFP l'ambassadrice américaine Samantha Power à la veille de ce voyage. «Chaque jour, on entend parler d'attaques à la grenade ou de cadavres trouvés dans la rue au petit matin».

«L'histoire montre qu'une étincelle peut mettre le feu et les choses peuvent alors empirer très très vite».

Les violences au Burundi ont déjà fait plus de 400 morts et contraint à l'exil plus de 200 000 personnes, selon l'ONU. Le pays a été ravagé par une guerre civile entre 1993 et 2006.

La visite du Conseil, organisée conjointement par les États-Unis, la France et l'Angola, a été préparée pendant des semaines. Le gouvernement du président Pierre Nkurunziza n'a pas caché qu'il n'accueillerait pas ses visiteurs à bras ouverts.

Lors d'une rencontre prévue vendredi, le Conseil espère persuader M. Nkurunziza, dont le troisième mandat controversé est à l'origine de la crise, d'accepter la proposition de l'UA de déployer une force de maintien de la paix de 5000 hommes. Bujumbura l'a qualifiée de «force d'invasion et d'occupation».

Le Conseil «a la possibilité de mettre tout son poids derrière ce que l'UA a déjà proposé», a expliqué Mme Power.

Risque de conflit régional

Selon des diplomates, le déploiement se ferait en plusieurs étapes. Les premiers à se déployer seraient des observateurs militaires, qui pourraient aussi se positionner à la frontière avec le Rwanda.

Bujumbura a souvent accusé son voisin de soutenir des groupes armés d'opposition.

«Les contours précis de cette force peuvent être discutés», a indiqué Mme Power.

Les ambassadeurs vont aussi rencontrer jeudi des dirigeants de l'opposition et de la société civile. Ils verront des responsables de l'UA lors d'une escale à Addis Abeba samedi.

Après des mois d'une médiation infructueuse menée par l'Ouganda, ils plaideront pour un dialogue politique afin de faire cesser la violence et de préserver les accords d'Arusha qui ont mis fin à la guerre civile.

Pour l'ambassadeur angolais Ismael Gaspar Martin, un dialogue sérieux entre gouvernement et opposition est «le seul moyen d'en sortir» et il «faut mettre fin» aux violations des droits de l'homme.

«Les observateurs de l'UA doivent absolument être sur place et être en mesure de faire leur travail», a-t-il ajouté.

Pour l'ambassadeur français François Delattre, qui avait conduit une première délégation du Conseil au Burundi en mars 2015, il faut avant tout «éviter que le génie des violences ethniques ne sorte de sa bouteille».

Comme le Rwanda voisin qui a connu un génocide en 1994, le Burundi est divisé entre Hutus et Tutsis. Des diplomates à l'ONU craignent que si la crise échappe à tout contrôle le Rwanda ne soit tenté d'intervenir, au risque de déclencher un conflit régional.

Le Conseil avait adopté à l'unanimité en novembre une résolution condamnant la violence au Burundi et appelant l'ONU à renforcer sa présence dans le pays. Mais la Russie, la Chine, l'Égypte, l'Angola et le Venezuela rechignent à exercer de fortes pressions.

«C'est aux Burundais eux-mêmes» d'organiser un dialogue et le Conseil ne poussera pas le gouvernement à partager le pouvoir, a affirmé le représentant permanent adjoint russe Peter Iliichev.

L'ONU, qui avait retiré sa mission politique du Burundi en 2014, a commencé à renforcer sa présence cette semaine avec l'envoi d'une petite équipe d'une vingtaine de personnes chargée d'épauler son émissaire Jamal Benomar.