Les islamistes nigérians de Boko Haram ont pris vendredi la ville camerounaise de Kerawa, dans la région de l'Extrême-Nord, poussant l'armée à faire mouvement vers cette ville frontalière du Nigeria pour les en chasser, selon des sources camerounaises.

C'est la première fois depuis des mois que les insurgés, largement affaiblis par une opération des armées de la région depuis début 2015, s'emparent d'une nouvelle localité.

«Boko Haram contrôle Kerawa depuis ce matin», a affirmé à l'AFP une source proche des autorités de la région de l'Extrême-Nord, faisant état de «civils tués», sans autre précision.

Selon cette source, «des renforts militaires» camerounais sont arrivés sur place, mais il n'était pas possible de savoir dans l'immédiat si des combats étaient engagés dans cette ville de quelque 50 000 habitants.

«Ils nous font durs» (ils nous mènent la vie dure), a-t-on commenté pour définir la détermination des islamistes.

Une source sécuritaire et l'hebdomadaire régional l'Oeil du Sahel ont également confirmé la prise de la ville par les insurgés, affirmant que «d'importants renforts de l'armée camerounaise convergent vers Kerawa, encouragés par les populations».

Jeudi, les assaillants avaient attaqué la ville, «tuant plusieurs personnes dans les mosquées», selon la source sécuritaire qui évoque un bilan non confirmé de onze tués. Plusieurs centaines d'habitants ont fui pour se réfugier dans les localités voisines.

De son côté, le gouvernement camerounais a affirmé «que pas un centimètre carré de notre territoire se trouve occupé par ces bandits», dans une déclaration à la radio nationale du ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary.

Le ministre a toutefois confirmé une opération militaire en cours, sans donner d'explication.

«Nos forces de défense et de sécurité sont en train de ratisser l'ensemble de cette partie de notre territoire», a-t-il concédé, avant de conclure: «je vous assure que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes».

Combattants dispersés

Face aux offensives des armées de la région, les insurgés de Boko Haram, qui ont rallié l'organisation djihadiste de l'État islamique (EI) ont perdu depuis début 2015 la plupart des territoires qu'ils contrôlaient, principalement dans le nord-est du Nigeria.

Mais ils restent solidement retranchés dans des zones difficiles d'accès - forêt de Sambisa, monts Mandara, îles du lac Tchad - et multiplient les attentats-suicides, au Nigeria, mais aussi au Niger, au Cameroun et au Tchad.

Kerawa, adossée à une ville nigériane qui porte le même nom et située dans la région de Kolofata, est la cible régulière d'attaques de Boko Haram et d'attentats-suicides.

Elle a déjà été le théâtre d'un double attentat ayant fait au moins une vingtaine de morts et plus de 140 blessés sur le marché le 3 septembre.

De l'autre côté de la frontière, la région de Kerawa-Nigeria, située au pied des monts Mandara, est encore loin d'être sécurisée malgré les efforts de l'armée pour combattre les islamistes depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau président nigérian, Muhammadu Buhari en mai.

L'offensive qui a permis fin septembre de reprendre Banki, localité située à quelques dizaines de kilomètres de Kerawa, a même sans doute contribué à disperser des combattants défaits dans la brousse environnante, où plusieurs villages nigérians ont été attaqués ces dernières semaines.

Deux femmes kamikazes ont tué au moins 11 personnes près de Madagali, dans l'État de l'Adamawa, le 18 octobre. Et dans l'État voisin de Borno, au moins 28 personnes ont été tuées vendredi dans un attentat-suicide commis contre une mosquée de Maiduguri, berceau du groupe dans le nord-est du Nigeria.

Depuis 2009, l'insurrection a fait au moins 17 000 morts et 2,5 millions de déplacés.

La semaine dernière le président Barack Obama a annoncé le déploiement d'un détachement de 300 soldats américains au Cameroun pour participer à la guerre contre les islamistes.

42 morts dans deux attentats contre des mosquées au Nigeria

Une puissante explosion à Yola, la capitale de l'État d'Adamawa, a tué 27 personnes et en a blessé 96 autres pendant les prières du vendredi midi. Plusieurs dirigeants faisaient partie de la foule pour souligner l'inauguration d'une nouvelle mosquée, a indiqué Saad Bello, de l'agence nationale des situations d'urgence.

Plus tôt vendredi, un autre carnage faisant 15 victimes s'est produit juste avant l'aube à Maiduguri, une ville considérée comme le berceau de Boko Haram au Nigeria.

Personne n'a immédiatement revendiqué les attentats-suicides.

Il s'agit des plus récentes attaques du genre au Nigeria imputées aux djihadistes du groupe terroriste Boko Haram, qui ciblent les chrétiens et les musulmans à qui ils reprochent de ne pas adhérer à leur interprétation très radicale de la loi islamique.

Boko Haram a prêté allégeance au groupe État islamique et souhaite la création d'un califat islamique en Afrique occidentale sur un territoire s'étendant au Nigeria, au Tchad, au Cameroun et au Niger.

Des attentats à la bombe dans les quatre pays ont fait des centaines de victimes au cours des derniers mois. La révolte de six ans aurait fait environ 20 000 morts et forcé le déplacement de 2,3 millions de personnes.

Une offensive promise par des troupes provenant du Nigeria et de ses voisins est retardée depuis plusieurs mois sans explication.