Le Rwanda arrête puis détient illégalement des «indésirables» - sans-abri, mendiants, vendeurs à la sauvette, notamment - dans un «Centre de réhabilitation», a dénoncé jeudi Human Rights Watch (HRW), appelant à la fermeture de cette «prison» non officielle, des allégations démenties par Kigali.

«Les autorités rwandaises arrêtent arbitrairement et détiennent illégalement dans un centre de détention non officiel des personnes parmi les plus vulnérables du pays», dénonce l'organisation de défense des droits de l'Homme dans un rapport intitulé: «Pourquoi ne pas appeler cet endroit une prison? Détention illégale et mauvais traitements au Centre de transit de Gikondo au Rwanda».

Dans un communiqué, le gouvernement rwandais a «réaffirmé qu'il n'existe pas de centre de détention non officiel» et estimé que HRW a «qualifié à tort de centre de détention le Centre» de Gikondo.

Le rapport détaille ce que HRW qualifie de «détentions prolongées et illégales dans ce centre (...) de personnes telles que des vendeurs ambulants, des travailleuses du sexe, des mendiants, des sans-abris et des personnes soupçonnées de délits mineurs».

Ces arrestations et détentions sont «le reflet d'une politique non officielle consistant à garder loin des regards du public ceux que les autorités considèrent +indésirables+», affirme HRW, précisant que jusqu'à 2014, des enfants des rues étaient régulièrement détenus à Gikondo.

«Kigali est souvent louée pour sa propreté et l'ordre qui y règne, mais ses habitants les plus pauvres paient le prix de cette image positive», souligne Daniel Bekele, directeur Afrique de HRW.

L'ONG dit avoir «constaté que de nombreux habitants pauvres de la ville sont harcelés, visés par des rafles de la police et envoyés à Gikondo sans aucun respect des règles de procédure». Ils «sont détenus dans des conditions déplorables pendant des périodes allant de quelques jours à plusieurs mois, sans inculpation» dans ce centre où «les mauvais traitements et les passages à tabac sont monnaie courante».

L'organisation réclame «la fermeture immédiate du centre de Gikondo» et la libération de ceux qui y sont détenus ou leur défèrement devant la justice s'ils sont soupçonnés d'infraction.

Gikondo «est un centre de transit où les gens sont retenus pour de courtes périodes avant des mesures à plus long terme» telles que «la réadaptation et la réinsertion des toxicomanes (...) via la désintoxication et l'apprentissage d'une activité», a assuré le ministre de la Justice, Johnston Busingye, cité dans le communiqué du gouvernement.

Le Rwanda «s'en tient à sa politique de rééducation plutôt que d'incarcération» qui «a fonctionné dans le passé et continuera à fonctionner dans l'avenir», selon le communiqué.

Pour répondre à ce rapport, le gouvernement a invité des journalistes, dont celle de l'AFP, à une rapide visite accompagnée du centre, constitué d'anciens entrepôts relativement vétustes encadrant une cour.

Dans un bâtiment, plusieurs centaines de personnes, principalement de jeunes hommes mais aussi un groupe de femme, assistaient assis par terre à une messe. Dans un autre, vraisemblablement un dortoir, des dizaines de matelas avec une petite couverture étaient posés à même le sol. Les sanitaires étaient tout juste refaits à neuf.

Selon le directeur du centre, Pontien Sindayiheba, tous les hôtes sont des alcooliques ou toxicomanes, devenus des «dangers publics» et non de simples marginaux, des «gens qui ont perdu leur contrôle» et «ne peuvent pas manifester leur volonté».