L'Union africaine a annoncé vendredi la suspension du Burkina Faso, ainsi que des sanctions à l'encontre des instigateurs du coup d'État militaire qui a donné un coup d'arrêt aux élections prévues en octobre dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.

À l'issue d'une réunion de son Conseil de paix et de sécurité (CPS), l'Union africaine (UA) «a décidé de suspendre le Burkina Faso de toutes les activités de l'UA avec effet immédiat», a déclaré à la presse le représentant ougandais Mull Katende, qui assure la  présidence tournante  du Conseil, au terme d'une réunion d'urgence de plusieurs heures au siège de l'organisation à Addis Abeba.

Le CPS a également voté l'adoption de sanctions à l'encontre «de tous les membres du soi-disant Conseil national pour la démocratie» qui a mené le putsch, tous frappés d'une interdiction de voyager et d'un gel des avoirs dans tous les États membres de l'organisation panafricaine.

Le diplomate ougandais a qualifié «d'acte terroriste qui doit être traité comme tel» la séquestration du président de transition Michel Kafando et d'autres membres du gouvernement par les militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde prétorienne du président déchu Blaise Compaoré.

«Toutes les mesures prises par ceux qui ont pris le pouvoir par la force au Burkina Faso sont nulles et non avenues. L'UA ne reconnaît aucun processus en dehors de la transition», a ajouté le diplomate au nom du Conseil de paix et de sécurité.

Le Conseil demande en outre à la commission de compiler une liste des membres de la «junte» et décide de qualifier tous les officiers du RSP «d'éléments terroristes».

Selon la charte de l'UA, tout État membre où se produit un «changement inconstitutionnel de pouvoir», doit être suspendu de l'organisation jusqu'au retour de l'ordre constitutionnel.

La présidente de la Commission Nkosazana Dlamini-Zuma avait déjà qualifié jeudi la séquestration par les militaires du président et du premier ministre «d'acte terroriste» et avait rejeté comme «nulle et sans effet» la destitution de Michel Kafando.

Diendéré s'installe et libère le président Kafando

Au lendemain du coup d'État au Burkina Faso, le général Diendéré, nouvel homme fort du pays et fidèle de l'ex-président Compaoré, s'employait vendredi à asseoir son pouvoir et multipliait les gages de bonne volonté avant de rencontrer les chefs d'État du Sénégal et du Bénin.

Quelques heures avant le début de cette rencontre, l'Union africaine (UA) a annoncé la suspension du Burkina Faso, ainsi que des sanctions à l'encontre des putschistes, frappés d'une interdiction de voyager et d'un gel des avoirs dans tous les États membres de l'organisation panafricaine.

Le chef des putschistes devait s'entretenir à partir de 15 h (heure de Montréal) dans la capitale burkinabè avec le président sénégalais Macky Sall, dirigeant en exercice de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), et son homologue béninois Thomas Boni Yayi.

Les deux présidents sont arrivés à Ouagadougou à la mi-journée, accueillis à l'aéroport par le général Diendéré. Le chef d'état-major général du Burkina, le général Pingrenoma Zagré, et la haute hiérarchie militaire du pays étaient également présents.

Le président Sall avait été l'émissaire de la Cédéao lors du soulèvement populaire qui en octobre 2014 avait chassé du pouvoir le président Blaise Compaoré, après 27 ans à la tête du pays. Et M. Boni Yayi était le médiateur désigné par la Cédéao pour les élections présidentielle et législatives qui étaient programmées le 11 octobre et devaient clore la période de transition ouverte avec la chute de l'ex-président.

«En signe d'apaisement», le nouveau régime a libéré jeudi soir le président du régime de transition Michel Kafando et deux de ses ministres, séquestrés aux premières heures du coup d'État mercredi après-midi par les soldats du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP). Ces libérations étaient réclamées par la communauté internationale, qui a fermement condamné le putsch.

Toutefois, le premier ministre et lieutenant-colonel Isaac Zida demeurait «en résidence surveillée», a annoncé à la presse le général Diendéré.

Le nouveau régime a également ordonné la réouverture des frontières terrestres et aériennes vendredi à 12 h, 24 heures après les avoir fermées.

«Désobéissance civile»

Dans la matinée, le général Diendéré, un ancien Saint-Cyrien, avait déjà convoqué les secrétaires généraux des ministères pour leur demander d'assurer la continuité de leur mission.

Dans la capitale, les hommes du RSP ont de nouveau ouvert le feu vendredi à la mi-journée pour disperser des groupes de manifestants qui tentaient de converger vers la place de la Révolution, où s'étaient concentrées la plupart des manifestations d'octobre 2014.

Les soldats avaient déjà ouvert le feu jeudi pour disperser les attroupements, faisant au moins trois morts et une soixantaine de blessés, selon une source hospitalière. À Ouagadougou, de nombreux magasins restaient fermés et les rues peu fréquentées.

Le président de l'Assemblée du régime renversé, Cherif Sy, a continué d'appeler la population à la mobilisation, tout comme le mouvement «Balai citoyen», en pointe dans le soulèvement populaire contre M. Compaoré l'an dernier.

«Il y a une condition qui est non négociable, c'est le départ de Diendéré», a déclaré vendredi l'AFP le porte-parole des organisations de la société civile, Me Guy-Hervé Kam, appelant à la formation d'un «front commun de résistance» avec les syndicats et partis politiques.

Le Cadre de Concertation des Partis politiques (CCPP), qui réunit les partis de l'ancienne opposition à Blaise Compaoré, exigeait quant à lui dans un communiqué le maintien des élections prévues en octobre, sous peine de «désobéissance civile». C'est Roch Marc Christian Kaboré, ancien proche de Compaoré devenu l'un de ses plus virulents opposants, qui a pris la tête du CCPP.

Avant leur entretien avec le général Diendéré, les deux présidents ouest-africains devaient rencontrer les représentants des partis politiques et de la société civile, dont M. Kaboré.

Le RSP, unité d'élite de l'armée forte de 1300 hommes, a pris le pouvoir en accusant les autorités d'avoir dévoyé la transition, notamment en excluant les partisans de l'ex-homme fort des élections d'octobre. Deux jours avant le putsch, une commission avait aussi recommandé la dissolution du RSP, qui était la garde prétorienne de l'ex-président.

Le Burkina Faso a connu depuis son indépendance en 1960 de nombreux coups d'État militaires. Le général Diendéré, homme de l'ombre et bras droit de l'ancien président, avait joué un rôle clé dans le putsch de 1987 qui avait porté au pouvoir «le beau Blaise» et s'était soldé par la mort du président Thomas Sankara.

Brusquement passé de l'ombre à la lumière, le général Diendéré, un quinquagénaire, a promis d'organiser «rapidement» des élections. «Nous n'avons pas l'intention de nous éterniser», a-t-il assuré, lui qui récuse être téléguidé par Compaoré. On ignore où se trouve l'ex-président, qui réside habituellement en Côte d'Ivoire voisine depuis son exil forcé.