Le numéro 1 de l'armée burundaise a réchappé vendredi d'une embuscade tendue par des hommes en tenue militaire en plein Bujumbura, un mois après une attaque similaire ayant coûté la vie à un homme-clé du régime.

L'attaque a fait sept morts, selon un haut responsable de la police: quatre membres de l'escorte du général Prime Niyongabo, deux assaillants et une policière. Selon des sources sécuritaires, les deux assaillants tués, ainsi qu'un troisième blessé et arrêté, sont des militaires d'active.

«Il y a eu un attentat contre le chef d'état-major de l'armée, le général Prime Niyongabo», a déclaré à l'AFP le directeur-général adjoint de la police burundaise, le général Godefroid Bizimana, «il n'a rien eu, mais deux des assaillants ont été tués et un troisième capturé».

Un autre haut gradé de la police a précisé à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que les assaillants, en tenue militaire, circulaient dans un véhicule de l'armée, depuis lequel ils ont ouvert le feu sur le convoi du général Niyongabo.

«L'attaque était minutieusement préparée, elle a été soudaine et violente. Quatre des gardes du corps du chef d'état-major ont été tués sur le champ, et lui-même n'a dû son salut qu'au fait que son chauffeur a dépassé un bus transportant des policiers», empêchant les assaillants de le rattraper, a-t-il expliqué. La policière tuée était une occupante du bus.

L'attaque n'a pas été revendiquée. Mais l'assaillant «arrêté a été identifié, c'est un soldat d'active (...) de même que les deux assaillants tués qui ont également été identifiés comme des soldats», selon ce haut gradé de la police.

«Tous ont été identifiés comme étant des soldats», a confirmé un responsable du Service national des Renseignements (SNR) «ce qui signifie clairement que nous avons un grave problème de division au sein de notre armée».

Le général Nyongabo est considéré comme un dur du régime et un de ceux ayant permis la mise en échec de la tentative de coup d'État militaire des 13 et 14 mai au Burundi.

Un autre homme-clé de l'appareil sécuritaire et artisan de l'écrasement du putsch, le général Adolphe Nshimirimana, ancien chef du SNR, considéré comme le bras droit du président Pierre Nkurunziza, a péri début août dans une embuscade similaire, tendue en plein centre de Bujumbura par des hommes en tenue militaire et lourdement armés.

Le Burundi a plongé dans une grave crise politique depuis l'annonce fin avril de la candidature de M. Nkurunziza à un 3e mandat, jugé par l'opposition, la société civile et l'influente Église catholique contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha ayant mis fin à la guerre civile ayant opposé entre 1993 et 2006 l'armée dominée par la minorité tutsi et des rébellions hutu, dont celle menée alors par Pierre Nkurunziza.

Cette candidature a provoqué six semaines de manifestations quasi quotidiennes à Bujumbura, finalement étouffées par une brutale répression.

Depuis l'élection de Pierre Nkurunziza le 21 juillet, lors d'une présidentielle que la quasi-totalité de la communauté internationale a jugé non crédible, les violences se sont poursuivies avec plusieurs assassinats politiques touchant le camp présidentiel et l'opposition, ainsi que des attaques nocturnes contre la police.

Une partie des anciens putschistes a pris le maquis avec l'intention avouée de renverser M. Nkurunziza et des armes ont été introduites dans les quartiers contestataires.

Les observateurs craignent que la crise persistante ne débouche sur de nouvelles violences à grande échelle, dix ans après la fin de la guerre civile, dans un pays à l'histoire postcoloniale jalonnée de massacres entre Hutus et Tutsis.

Les espoirs d'assouplissement du régime ont été douchés fin août avec le retour au ministère-clé de la Sécurité publique d'Alain-Guillaume Bunyoni, proche du général Nshimirimana et figure des radicaux.

Le dialogue avec les opposants au 3e mandat semble également largement enterré par les conclusions d'une Commission d'enquête composée de quatre magistrats qui accusent les animateurs de la contestation - les principaux partis d'opposition et associations de la société civile - d'avoir initié «un mouvement insurrectionnel» et d'être liés aux putschistes.

Dans leur rapport, obtenu vendredi par l'AFP, ces magistrats - nommés fin mai par le Parquet - recommandent que soient poursuivis les principaux dirigeants de l'opposition et figures de la société civile.