L'annonce des résultats de la présidentielle de mardi au Burundi est prévue vendredi à 15 h (9 h à Montréal), a annoncé mercredi à l'AFP la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI).

«Les représentants des Commissions électorales provinciales sont en train d'acheminer les résultats» à la CÉNI à Bujumbura, a expliqué à l'AFP son porte-parole, Prosper Ntahorwamiye.

«Au plus tôt ce soir et au plus tard demain dans la matinée, on aura les résultats et on commencera la compilation au niveau national. C'est pourquoi nous tablons sur une proclamation des résultats vendredi à 15 h», a-t-il ajouté.

Aucun chiffre officiel n'a jusqu'ici été communiqué.

La participation devrait s'établir «à entre 70 et 80 %, dans les mêmes proportions que les scrutins précédents», les législatives et communales couplées du 29 juin où elle avait atteint 74,32 %, a indiqué M. Ntahorwamiye. «Il s'agit d'une estimation basée sur les informations» reçues des provinces, a-t-il précisé.

Selon des projections effectuées par la radio-télévision nationale du Burundi (RTNB), le président Pierre Nkurunziza, qui briguait un troisième mandat controversé, est assuré d'être élu au premier tour.

Conseiller en communication du président Nkurunziza, Willy Nyamitwe a tiré mercredi lors d'un débat sur RFI «un bilan largement positif» de cette élection, pourtant boycottée par l'opposition et quasi unanimement critiquée par la communauté internationale, notamment les États-Unis, l'Union européenne et la Belgique, ancienne puissance coloniale.

«Le taux de participation est largement satisfaisant et la conduite de cette élection est là pour convaincre même les indécis que le Burundi a atteint une certaine maturité dans la conduite d'élections libres, apaisées et transparentes», a-t-il déclaré.

Nuit calme

L'ONU, l'Union africaine et les partenaires occidentaux du Burundi estiment pourtant que les élections générales - ouvertes avec des législatives et communales le 29 juin - n'étaient pas crédibles en raison notamment de l'atmosphère d'intimidation et de peur généralisée au Burundi.

La nuit de mardi à mercredi a été calme, alors que des tirs et explosions avaient longuement retenti dans celle précédant le scrutin.

Bien que les journalistes à travers le pays aient constaté une participation plus que moyenne - et extrêmement faible à Bujumbura -, M. Nyamwitwe a estimé qu'elle devrait «tourner autour de 80 %».

Jean Minani, un des chefs de file de l'opposition, a accusé les autorités de manipulation. «Tout le monde a vu ce qui s'est passé (...) le taux de participation était très faible (...) tout le monde a vu que les centres de vote étaient vides du matin jusqu'au soir», a-t-il expliqué.

L'opposition n'ayant pas envoyé ses représentants dans les bureaux, les partisans du président Nkurunziza «étaient seuls dans ces centres de vote, pouvaient manipuler comme ils voulaient, et ils l'ont fait (...) ils n'ont aucun scrupule», a poursuivi M. Minani, ajoutant: «ce n'était pas des élections».

«Élection sans compétition»

Plusieurs anomalies ont été constatées par des journalistes de l'AFP mardi: assesseurs remplacés au dernier moment et procès-verbaux vierges pré-signés, notamment. «Un incident ici ou là ne peut pas être représentatif de tout le processus électoral dans notre pays», a estimé M. Nyamitwe.

Selon Innocent Muhozi, président de l'Observatoire de la Presse du Burundi, M. Nkurunziza était «un candidat unique pratiquement, malgré quelques autres qui gravitaient autour et sont totalement affiliés au pouvoir (...) C'est une élection sans débat libre, sans liberté de presse, c'est une élection sans compétition, tout simplement».

«Ce qui est en train de se passer dans ce pays est plutôt grave et il faudrait s'en occuper maintenant que l'élection est terminée», a averti M. Muhozi. «Il va falloir revenir à la table» des négociations. «Cette société est profondément en crise, nous sommes au bord d'une nouvelle guerre et il faut qu'on arrête de faire semblant que tout va bien», a-t-il prévenu.

Le climat préélectoral délétère a poussé quelque 160 000 Burundais à fuir leur pays.

Le ton virulent et acerbe du débat sur RFI a une nouvelle fois montré que les deux camps restaient profondément antagonistes, MM. Nyamitwe et Minani s'accusant mutuellement d'avoir intimidé les électeurs pour qu'ils aillent ou non voter et se rendant mutuellement responsables des violences dans le pays.

L'annonce fin avril de la candidature de M. Nkurunziza à un troisième mandat, que l'opposition et la société civile jugent contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha ayant permis la fin de la guerre civile (300 000 morts entre 1993 et 2006), a déclenché un mouvement de contestation, émaillé de violences ayant fait plus de 80 morts.

Les autorités ont déjoué un coup d'État militaire en mai et réussi à mater à la mi-juin, au prix d'une brutale répression parfois à balles réelles, six semaines de manifestations, quasi-quotidiennes à Bujumbura. Il a été confronté depuis à une série d'attaques à la grenade et à des combats et escarmouches entre armée et rebelles dans le nord du pays.