Quarante-six civils ont été condamnés pour des violences sexuelles à l'issue d'un marathon d'audiences à Bunia, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), a-t-on appris jeudi de source judiciaire.

Ces jugements ont été prononcés au cours d'audiences foraines (hors des murs d'un tribunal) tenues sur trois semaines et ayant permis la comparution de 65 personnes accusées d'agressions sexuelles ou de viols commis en 2014 et début 2015 en Ituri, district de la Province-Orientale dont Bunia est le chef-lieu.

Il s'agit du plus grand cycle d'audiences de ce genre organisé depuis la nomination, mi-2014, d'une représentante spéciale du chef de l'État pour la lutte contre les violences sexuelles, Jeannine Mabunda, a indiqué le bureau de cette dernière.

«Le résultat, c'est 46 condamnés, 13 acquittés et six dossiers renvoyés pour approfondir l'instruction», a déclaré à l'AFP Alphonse Wonga, président du tribunal de grande instance de Bunia.

«Les condamnations vont de sept à 15 ans de prison ferme», a ajouté M. Wonga, joint par téléphone depuis Kinshasa. Tous les jugements peuvent faire l'objet d'un appel.

La tenue de ce marathon judiciaire a été rendue possible grâce à un soutien financier du bureau de Mme Mabunda.

Plusieurs audiences foraines de ce genre ont eu lieu depuis la mi-2014, aussi bien dans l'ouest de la RDC que dans l'est. Les autorités prônent ces audiences pour accélérer les procédures et montrer à la population que la justice agit.

M. Wonga a précisé que l'aide reçue de la présidence se traduisait notamment par une «petite prime» remise après chaque audience au personnel du tribunal et aux avocats de la défense et de l'accusation, dont les clients peuvent être démunis.

La RDC a été ravagée par deux guerres entre 1996 et 2003, et sa partie orientale reste déchirée par les conflits armés depuis cette date.

Selon les services de Mme Mabunda, les 65 personnes jugées à Bunia n'étaient ni militaires ni membres d'un des groupes armés qui continuent de sévir en Ituri.

L'ONU dénonce régulièrement les viols commis tant par les groupes armés que par les troupes régulières, dont sont victimes chaque année des milliers de femmes en RDC

En mars, le gynécologue congolais Denis Mukwege, qui a acquis une renommée internationale pour son combat en faveur des femmes violées dans l'Est, s'inquiétait d'une contamination de la vie civile par les violences sexuelles, qualifiant celles-ci de «cancers» pour le pays en dépit de la baisse des conflits armés qu'on y observe.

Dans un rapport publié en 2014, le Haut Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU reconnaissait que la RDC faisait quelques progrès en matière de lutte contre l'impunité pour les crimes sexuels, mais relevait que la plupart des auteurs de telles violences échappent encore aux poursuites de la justice.