Le pouvoir burundais a rejeté mardi les pressions étrangères qui «sapent» les institutions, alors que les manifestations se sont poursuivies un mois jour pour jour après le début de la contestation contre un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza.

La France a annoncé le gel de sa coopération sécuritaire sur tout ce qui concerne la police et la défense, un geste symbolique, mais qui isole encore un peu plus le pouvoir burundais, à cinq jours d'un nouveau sommet des pays d'Afrique de l'Est consacré à la crise.

Dans les rues de Bujumbura, les opposants à la candidature du président Nkurunziza (au pouvoir depuis 2005) à un troisième mandat lors de la présidentielle du 26 juin ont maintenu la pression, avec barricades et jets de pierres, et toujours sous les tirs des forces de l'ordre.

Les policiers se sont de nouveau déployés en force dans les quartiers contestataires, où ils ont essayé d'empêcher les rassemblements.

À Cibitoke, des tirs soutenus, notamment en rafale, ont éclaté en début de soirée. Des militaires sont arrivés en renfort sur place, mais, dans l'obscurité, la situation était très confuse. Des habitants ont évoqué une descente des Imbonerakure, la ligue de jeunesse du parti présidentiel, qualifiée de «milice» par l'ONU.

Un photographe étranger a indiqué avoir vu un mort et deux blessés par balles dans le quartier.

Les tirs ont cessé une heure plus tard, avec l'arrivée d'un orage.

Fait nouveau, des barricades ont été érigées dans le quartier commerçant et musulman de Buyenzi, proche du centre-ville, où la police est intervenue pour disperser plusieurs centaines de manifestants, tirant en l'air et jetant des grenades lacrymogènes parfois jusque dans les cours des maisons.

Dans plusieurs quartiers, les routes étaient bloquées par des rochers et objets de toutes sortes souillés d'excréments, nouvelle tactique pour empêcher les policiers de démanteler les barricades.

Nkurunziza à Dar es Salam? 

«Le gouvernement est (...) profondément préoccupé par l'activité diplomatique en cours qui tend à saper et - dans une large mesure - à dénigrer les institutions républicaines et constitutionnelles» du pays, a dénoncé le porte-parole du gouvernement Philippe Nzobonariba.

Ce porte-parole a averti que «certaines questions qui touchent à la souveraineté, à la constitutionnalité et à la primauté du droit qui régit la République de Burundi ne peuvent être sujettes à débat», en référence à un troisième mandat présidentiel.

Le gouvernement «ne négociera ni ne discutera des questions qui tendent à saper ses institutions», a-t-il prévenu, évoquant une «ligne rouge». Il a fustigé les «idées et recommandations préconçues» de «certaines délégations d'envoyés spéciaux et des comités d'éminentes personnalités dépêchées par la communauté internationale».

Les manifestations sont quasi-quotidiennes depuis un mois dans la capitale, émaillée de heurts avec la police, avec près d'une trentaine de morts en quatre semaines. Un opposant a été assassiné samedi soir et trois personnes tuées la veille dans des jets de grenades sur la foule.

Sous l'égide de l'ONU et de l'Union africaine, un «dialogue» a été initié entre les deux parties, mais suspendu après les violences du week-end. Il se limitait à d'acrimonieuses discussions autour des manifestations, laissant de côté la question du troisième mandat, sur laquelle le blocage est total.

Pour tenter de dénouer la crise, les dirigeants des pays de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC) se réuniront une nouvelle fois dimanche en Tanzanie, à Dar es Salam. «Tous les chefs d'État vont venir», y compris celui du Burundi, selon l'EAC.

Lors d'un premier sommet le 13 mai, déjà à Dar es-Salaam, des généraux burundais avaient profité de l'absence du pays du président Nkurunziza pour tenter un coup d'État, qui avait échoué deux jours plus tard.

On ignore sur quels sujets les chefs d'État de la région se pencheront dimanche prochain: la question du troisième mandat, ou un report des élections.

Des législatives et des communales sont prévues le 5 juin, avant la présidentielle du 26 juin.

Au risque d'une vacance du pouvoir, la présidentielle ne pourrait être repoussée au-delà de la fin août. Certains pays, comme les États-Unis, ont carrément mis en garde contre un troisième mandat de M. Nkurunziza.

Pour financer ce processus électoral, d'un coût d'environ 60 millions de dollars, le gouvernement en a appelé à la «solidarité nationale» et à ouvert une souscription publique.

Les autorités affirment avoir «déjà rassemblé une bonne partie des moyens nécessaires» et ont annoncé mardi «l'ouverture d'une ligne budgétaire» de 25 millions d'euros pour ces élections, face aux suspensions de financements décrétées par les Européens à la mi-mai.