Un militaire burundais a été tué jeudi par un officier des services de renseignement à Bujumbura, où neuf manifestants opposés à un nouveau mandat du président Pierre Nkurunziza ont été blessés dans de nouveaux affrontements avec la police.

Au cinquième jour de manifestations, Washington, par la voix d'un envoyé spécial du président Barack Obama à Bujumbura, a exhorté les autorités de ce petit pays d'Afrique des Grands Lacs au «dialogue et au compromis», et brandi la menace de sanctions contre le pays et des personnalités.

L'incident qui a coûté la vie à un militaire s'est produit dans le quartier de Musaga, un haut lieu de la contestation.

«Un officier du service de renseignement se trouvait à (...) un endroit où les manifestants ont établi une barricade. Il s'est senti menacé. Il a tiré et touché un soldat qui a été tué, et un civil qui est blessé au bras», a expliqué à l'AFP un haut responsable de la police ayant requis l'anonymat.

Depuis dimanche, la tension entre jeunes et policiers est la plupart du temps retombée grâce à l'armée, jugée plus neutre par la population.

Dans la matinée, selon une journaliste de Radio France Internationale (RFI), des policiers avaient tiré à balles réelles dans le quartier de Kinanira, sur des jeunes qui avaient quitté Musaga, franchissant plusieurs barrages de police, pour se rendre dans le centre-ville.

Jeudi, des journalistes de l'AFP se trouvant à proximité ont entendu des tirs pendant deux à trois minutes. Ils ont ensuite vu au sol des traces de sang, des douilles de munitions et des chaussures perdues par les manifestants.

Au moins neuf manifestants ont été blessés, «dont certains par balle» à Kinanira, selon la Croix-Rouge burundaise.

Ces neuf blessés s'ajoutent aux 37 enregistrés jusque-là par la Croix-Rouge chez les manifestants, qui a ajouté que six manifestants avaient été tués depuis dimanche. La police dit déplorer depuis lors une soixantaine de blessés, dont dix graves.

La police a jusque-là empêché les manifestants de converger vers le centre-ville depuis les quartiers périphériques de Bujumbura.

Les protestataires veulent faire renoncer le chef de l'Etat à une nouvelle candidature à la présidentielle du 26 juin. Pierre Nkurunziza, élu une première fois en 2005 et réélu en 2010, a été désigné samedi candidat par son parti, le Cndd-FDD.

Ses opposants jugent un troisième mandat inconstitutionnel, la Loi fondamentale limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Mais les partisans de M. Nkurunziza assurent que son premier mandat, en tant que premier président post-transition élu par le Parlement, ne doit pas être pris en compte dans le calcul.

Menace de «conséquences concrètes»

Jeudi, les journalistes de l'AFP ont vu des dizaines d'étudiants évacuer le campus de Kiriri, valise en main, contraints de rentrer chez eux, le plus souvent en province, par la fermeture des résidences universitaires imposée depuis le matin.

«La décision est injuste», a jugé Léopold, un étudiant en génie civil de 29 ans, estimant que les autorités espèrent ainsi «arrêter les manifestations».

Le recteur de l'université du Burundi, Gaspard Banyankibona, a assuré que «les étudiants pourraient revenir quand la sécurité sera rétablie».

Depuis des mois, la communauté internationale, mais aussi la population burundaise, qui a encore en tête la longue guerre civile (1993-2006), craignent que cette nouvelle candidature de Pierre Nkurunziza ne débouche sur des violences à grande échelle.

Jeudi, des experts de l'ONU ont estimé depuis Genève que les progrès réalisés ces dernières années seraient «mis en danger si les autorités ne prennent pas de mesures pour empêcher de nouvelles violences».

Washington a de son côté clairement mis en garde les autorités burundaises, les accusant de radicaliser la contestation en empêchant les manifestations.

«Nous espérons que les chances de dialogue seront saisies. Si tel n'était pas le cas, nous avons fait très clairement savoir qu'il y aurait des conséquences concrètes (...) des conséquences que le gouvernement ressentira», a averti à Bujumbura le secrétaire d'État adjoint à la démocratie et droits de l'Homme, Tom Malinowski.

Jeudi, des habitants restés à l'écart des manifestations se sont aussi dits solidaires des jeunes protestataires.

«Ici, il n'y a pas de manifestation, on fait tout pour préserver la paix, parce que le quartier a énormément souffert pendant la guerre», a expliqué Mousa, chauffeur de taxi à Kinama, dans le nord de la ville. «Mais cela ne veut pas dire qu'on soutient le pouvoir».