Des soldats sud-africains ont été déployés dans les rues du pays, hier, pour aider la police à enrayer les violences xénophobes qui ont fait au moins sept morts et des milliers de déplacés à Alexandra - en banlieue de Johannesburg - et à Durban depuis le début du mois. Voici quatre mots pour comprendre la crise.

Pauvreté

«L'écart entre les pauvres et les riches aujourd'hui, en Afrique du Sud, est aussi important sinon plus que pendant les pires moments de l'apartheid», estime le professeur Dan O'Meara, de l'UQAM. La vague de violence actuelle, comme celle de 2008 au cours de laquelle 62 étrangers avaient été tués, est le reflet du désespoir d'une grande partie de la population sud-africaine, en particulier de la majorité noire. Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis l'élection de feu Nelson Mandela, «a renoncé à résoudre les problèmes économiques de la partie la plus pauvre de la population», affirme le spécialiste de l'Afrique du Sud.



Cibles

Les étrangers sont accusés de voler les emplois et de verser dans la criminalité. Or, ces deux postulats ne résistent pas à l'épreuve des faits, d'après l'Institut d'études de sécurité (ISS), établi à Pretoria. L'organisme rappelle que les étrangers ne représentent que 4% de la population active et cite une étude de l'Observatoire de Gauteng City-Region concluant que les entrepreneurs étrangers emploient davantage de Sud-Africains que les entrepreneurs sud-africains. Une enquête de l'organisme gouvernemental Statistics South Africa révélait par ailleurs l'an dernier que 95% des ménages sondés estiment que les crimes dans leur secteur sont perpétrés par des Sud-Africains.

Apartheid

L'actuelle vague de violence «ne peut qu'empirer le problème de la pauvreté», craint le professeur Daniel Douek, de l'Université Concordia. «Elle détruit de petites entreprises, de petites initiatives et fera de ces communautés des endroits encore moins sécuritaires où vivre», estime le spécialiste de l'Afrique du Sud, qui rappelle que le pays est déjà «le plus inéquitable dans le monde». «Le pays se dirige dangereusement vers une nouvelle forme d'apartheid où les étrangers subissent la ségrégation des communautés locales et sont sujets à être traités comme des citoyens de seconde classe», s'inquiète le chercheur Gareth Newham, de l'ISS.



PHOTO MUJAHID SAFODIEN, ARCHIVES AFP

Un garçon passe devant des pneus en feu, alors que des violences xénophobes frappent le centre de Johannesburg, le 17 avril. 

Défi

L'envoi de l'armée est un aveu de faiblesse de la part de l'État, croit Daniel Douek. «Ça révèle l'absence d'autres solutions viables», résume-t-il, évoquant l'inefficacité de la police. «Parmi les éléments les plus violents en Afrique du Sud, se trouvent les policiers eux-mêmes!» À long terme, le gouvernement devrait plutôt, selon lui, «créer des emplois, créer des programmes pour combattre la pauvreté, fournir un toit aux gens, de l'espoir». La situation actuelle représente ainsi un «défi post-apartheid» pour l'Afrique du Sud, qui demeure, conclut-il, «une très forte et très vibrante démocratie».

PHOTO SCHALK VAN ZUYDAM, ARCHIVES AP

Un homme remplace la vitre cassée d'une taverne en banlieue de Cape Town, le 20 avril.