La police sud-africaine a déployé des renforts samedi dans Johannesburg et arrêté une trentaine de personnes après une nouvelle nuit de violences xénophobes perpétrées par des groupes de casseurs et pilleurs.

Alors que la pression diplomatique s'accentue pour éviter le bain de sang de 2008 - il y avait eu 62 morts dans des violences du même genre -, les étrangers du continent travaillant dans le pays restent sur le qui-vive.

Le Forum de la diaspora africaine (ADF) a appelé le gouvernement à faire appel sans attendre à l'armée, alors que le ghetto d'Alexandra, où s'entasse 400 000 personnes au coeur de Johannesburg, était à son tour pris pour cible vendredi soir.

Le gouvernement du président sud-africain Jacob Zuma «compte attendre jusqu'à combien d'immigrants tués pour utiliser l'armée comme en 2008?», a déclaré dans un communiqué le porte-parole de cette association, Jean-Pierre Lukamba, d'origine congolaise.

En trois semaines, les violences ont fait au moins six morts (15, selon l'association) et plusieurs milliers de déplacés.

Le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) s'est dit vendredi «très préoccupé» et, dans la région, des pays d'origine des immigrés se préparaient à rapatrier certains de leurs ressortissants.

Les violences sont désormais surtout le fait «de petits groupes de 20 à 30 personnes qui en profitent pour piller et casser», a précisé un porte-parole de la police provinciale, Lungelo Dlamini.

«Plus de 30 personnes ont été arrêtées la nuit dernière et seront poursuivies pour violences publiques, vol, effractions et destruction volontaire. La situation est calmée maintenant mais nous prévoyons de renforcer nos effectifs», a-t-il indiqué.

La présence des unités de la police antiémeutes était de fait renforcée sur le terrain, à la fois en blindés et en hommes, a constaté un photographe de l'AFP.

Violences dans des ghettos

Dans la très étendue agglomération de Johannesburg, poumon économique de l'Afrique du Sud, la police a dû intervenir pour disperser des émeutiers dans plusieurs secteurs vendredi soir.

À Alexandra, grand ghetto pauvre du nord de l'agglomération à la réputation sulfureuse, «des magasins ont été victimes d'effractions et volés, de petits commerces appartenant à des étrangers», selon M. Dlamini. Notamment des épiciers éthiopiens, selon des témoignages.

Près de 400.000 personnes s'entassent sur 7,6 kilomètres carrés, beaucoup dans des baraquements en tôle composés d'une seule pièce. Samedi, plusieurs magasins gardaient leur rideau baissé.

Des violences se sont aussi produites dans le sud-est à Thokoza, cité noire théâtre d'affrontements meurtriers entre Sud-Africains noirs au début des années 1990 à la fin de l'apartheid.

Les quartiers de Cleveland et Jeppestown ont aussi été touchés: vendredi soir, un face-à-face violent a opposé les riverains d'un foyer de travailleurs de Jeppestown et la police.

Les forces de l'ordre ont a été caillassées et la circulation a été interrompue plusieurs heures sur l'autoroute M2 voisine. «Maintenant la police municipale est aussi déployée», a poursuivi M. Dlamini.

À Durban, le grand port sud-africain sur l'océan Indien, où la violence a commencé avant Pâques, le calme était de mise pour le troisième jour consécutif.

Jeudi, les autorités ont organisé une grande marche pacifique pour dire «non» à la xénophobie, et les dons affluent auprès des ONG pour venir en aide aux déplacés réfugiés dans cinq camps provisoires.

«C'est très calme, aucune intervention depuis trois jours», a précisé samedi le colonel de police Jay Naicker.

En 2008, les violences xénophobes avaient fait 62 morts, dont une vingtaine de Sud-Africains pris dans les affrontements. Depuis, les violences de ce genre sont récurrentes chez ce géant économique du continent, qui accueille deux millions d'émigrants africains officiellement recensés et de très nombreux sans-papiers.

Elles reflètent les frustrations de la majorité noire du pays qui continue de souffrir économiquement, et la résurgence d'une culture de violence exacerbée sous l'apartheid.

À Maputo, la capitale mozambicaine, une centaine de personnes ont marché samedi jusqu'à l'ambassade d'Afrique du Sud.

«Ces actes xénophobes sont très tristes car l'Afrique du Sud et le Mozambique ont une histoire extrêmement liée, nous les avons considérablement appuyés au moment de l'apartheid», a déclaré à l'AFP Amilcar Manhica Junior, un manifestant.

Aux cris de «Zuma, assassin» et de «non à la xénophobie», la foule a été dispersée par la police sans heurts.

Le président Zuma invite les immigrés à rester

Après une nouvelle nuit de pillages à Johannesburg, le président Jacob Zuma a annulé un voyage en Indonésie et s'est rendu samedi auprès de victimes de violences xénophobes, afin de les assurer que les étrangers avaient toute leur place en Afrique du Sud.

Alors que la pression diplomatique s'accentue pour éviter un bain de sang comme en 2008, M. Zuma s'est rendu dans l'un des cinq camps hébergeant des immigrés chassés de chez eux à Durban.

Malgré un chèque d'aide de 50 000 rands, il a reçu un accueil hostile, a constaté l'AFP. «Trop tard, trop tard», «Go home, go home!» (Rentre chez toi, rentre chez toi!, NDLR), pouvait-on entendre parmi ces victimes des violences, maugréant contre l'inefficacité de la police.

«Il ne peut y avoir de justification aux attaques contre les étrangers», a répété le président sud-africain.

«En tant que gouvernement, personne ne vous dit de partir. Ce ne sont pas tous les Sud-Africains qui disent que vous devez partir mais une très petite minorité», a-t-il assuré. «Même ceux qui veulent rentrer chez eux doivent savoir que quand nous aurons stoppé la violence, ils sont les bienvenus pour revenir».

M. Zuma aurait dû s'envoler samedi soir pour le 60e anniversaire du sommet des Non-Alignés en Indonésie, mais a annulé ce déplacement «pour s'occuper des affaires intérieures liées aux violences contre les étrangers».

Il a prévu la semaine prochaine d'«engager le dialogue» pour normaliser la situation.