À peine élu au terme d'un scrutin salué dans le monde, le nouveau président du Nigeria, l'ex-général Muhammadu Buhari s'est engagé mercredi à «débarrasser la nation de la terreur» du groupe islamiste Boko Haram.

L'ex-général nigérian s'est également posé en rassembleur de son peuple, plaidant la réconciliation avec des opposants politiques redoutant le retour à son régime autocratique dans les années 1980, disant que son gouvernement allait représenter «tous les Nigérians».

«Je peux vous assurer que Boko Haram va vite mesurer la force de notre volonté collective et de notre engagement à débarrasser la nation de la terreur et pour ramener la paix», a déclaré le général retraité de 72 ans.

«Aucun effort, a-t-il souligné, ne sera épargné pour vaincre le terrorisme» du groupe qui mène attaques, attentats-suicides et enlèvements dans le nord-est du pays, faisant plus de 13 000 morts depuis six ans.

Il s'est également engagé à combattre le fléau endémique qui ronge le Nigeria, la corruption, tout en déclarant qu'il n'y aurait pas de chasse aux sorcières et que son rival, Goodluck Jonathan, largement battu à la présidentielle n'avait «rien à craindre».

«Disons-le clairement: le président Jonathan n'a rien à craindre de moi», a ajouté M. Buhari. «C'est un grand Nigérian».

La corruption en particulier, l'un des plus grands fléaux du Nigeria, «n'aura plus sa place» dans le pays, a assuré M. Buhari.

Avec 53,95% des voix, Muhammadu Buhari, qui était le candidat de la coalition de l'opposition (APC), a battu avec une nette avance le chef d'État sortant Goodluck Jonathan, candidat du Parti démocratique populaire (PDP), crédité de 44,96%, selon les résultats officiels annoncés par la Commission électorale indépendante.

Les résultats des élections parlementaires, qui ont eu lieu au même moment, n'ont pas encore été publiés. Selon le calendrier officiel, M. Buhari doit être investi le 29 mai.

«Notre pays a rejoint la communauté des nations qui remplacent par les urnes un président en place au cours d'un scrutin libre et honnête», «pour moi, c'est vraiment historique», s'est félicité M. Buhari dans sa première allocution depuis son élection.

«Oublier les vieilles batailles»

Sa victoire ouvre un nouveau chapitre dans l'histoire politique parfois turbulente du Nigeria qui a connu six coups d'État depuis l'indépendance en 1960. Le PDP détenait le pouvoir depuis 1999, date du retour à la démocratie du Nigeria après des années de dictatures militaires.

L'Union européenne, la France et le Royaume-Uni (ancienne puissance coloniale) ont félicité le vainqueur, Londres soulignant l'importance d'une «transition pacifique».

Le président Barack Obama a félicité MM. Buhari et Jonathan pour leur engagement «en faveur de la non-violence tout au long de la campagne».

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a salué «la maturité de la démocratie au Nigeria».

La présidente de la Commission de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, a déclaré que «le résultat des élections démontre clairement la maturité de la démocratie, non seulement au Nigeria, mais sur le continent dans son ensemble».

Dans un communiqué, les chefs des missions des observateurs internationaux incluant notamment ceux de l'Union africaine, du Commonwealth, de l'Union européenne ont félicité le Nigeria et son peuple «pour leur attachement à une réponse pacifique (à l'annonce des)...  résultats des élections.»

M. Buhari a aussi tendu la main à Goodluck Jonathan, appelant à «oublier les vieilles batailles et les contentieux du passé».

M. Buhari avait violemment critiqué l'administration de M. Jonathan durant la virulente campagne électorale, l'accusant notamment d'être gangrénée par la corruption, un de ses chevaux de bataille. Son parti avait d'ailleurs choisi comme emblème de campagne un balai, pour illustrer sa volonté d'en finir avec la corruption et l'insécurité.

«Aucune ambition personnelle ne vaut le sang d'aucun Nigérian», a déclaré mardi soir le vaincu afin de prévenir toute violence, alors que la précédente présidentielle en 2011 s'était soldée par un millier de morts.

«Ni triche ni violences»

Ancien putschiste à la tête d'une junte militaire entre 1983 et 1985, Buhari se présente comme un «converti à la démocratie». C'était la quatrième tentative à la présidentielle de ce musulman du Nord après trois échecs successifs depuis 2003, dont le dernier déjà face à M. Jonathan, un chrétien du Sud, en 2011.

Des milliers de Nigérians étaient descendus dès mardi après-midi dans les rues de Kano, plus grande ville du nord musulman, pour célébrer la victoire de leur candidat. «Un des plus beaux moments de ma vie», s'est réjoui Khalid Isa Musa, un jeune étudiant. Et mercredi la rue nigériane continuait de fêter sa victoire.

À Abuja, qui reprenait vie mercredi après quatre jours de paralysie, les partisans du président sortant étaient déçus pour leur candidat, mais heureux pour la démocratie.

«J'ai voté pour Jonathan, mais ce n'est pas grave. Je suis heureux. Il n'y a eu ni triche ni violences», lance Simon Idoku, chauffeur de taxi.

Cette présidentielle réussie, dans le pays le plus peuplé d'Afrique avec 173 millions d'habitants, est un symbole fort sur le continent, où la question de l'alternance pacifique et démocratique reste d'actualité, avec des dirigeants en poste ou une même famille au pouvoir parfois depuis plusieurs dizaines années.