Le groupe djihadiste État islamique (EI) a revendiqué jeudi l'attentat du musée du Bardo à Tunis qui a coûté la vie à 20 touristes et un Tunisien, une attaque inédite depuis 2011 faisant craindre une déstabilisation de la jeune démocratie tunisienne.

Dans une interview à la chaîne de télévision française TF1, le président Béji Caïd Essebsi a assuré que «le processus de mise en place du système démocratique est déjà bien en place, bien ancré... Qu'il n'y aura jamais de mouvement retour».

L'attaque, la plus meurtrière perpétrée par l'EI contre des Occidentaux, a été revendiquée dans un message audio sur internet. Le groupe extrémiste sunnite, qui compte des centaines de combattants tunisiens dans ses rangs, a menacé la Tunisie d'autres attaques.

L'opération de mercredi a été menée, selon l'EI, par «deux chevaliers du califat, Abou Zakaria al-Tounsi et Abou Anas al-Tounsi», «munis d'armes automatiques et de grenades», qui sont «parvenus à assiéger un groupe de ressortissants des pays croisés».

L'attaque a frappé le plus prestigieux musée du pays, faisant 21 morts selon un dernier bilan officiel. Quinze d'entre eux ont été identifiés, dont trois Japonaises, deux Français, deux Espagnols, deux Italiens et une Britannique.

«Je n'ai pas encore l'identification de toutes les victimes donc je ne peux pas encore confirmer si une troisième personne de nationalité française aurait été tuée dans l'attentat» de Tunis, a déclaré dans la nuit le président français François Hollande, à l'issue de la première journée d'un sommet européen à Bruxelles.

Les touristes ont été la cible des tirs au moment où ils descendaient de leur bus et entraient au musée, dans lequel ils ont été pourchassés.

Les autorités ont annoncé la mort de deux assaillants, identifiés comme Yassine Abidi et Hatem Khachnaoui, puis l'interpellation de neuf suspects.

Le président tunisien a affirmé que les auteurs de l'attaque portaient sur eux des «explosifs» et que la «promptitude» des forces de l'ordre a «évité une catastrophe».

Signe de la tension, la police a encerclé jeudi soir «par précaution» le siège de la Radio nationale à Tunis en raison de «menaces terroristes», selon son PDG Abderrazak Tabib.

L'armée va désormais participer à la sécurisation des accès des grandes villes, après que le premier ministre Habib Essid a reconnu «des failles sécuritaires». Le musée est en effet mitoyen du Parlement où se tenait, au moment de l'attaque, une réunion de cadres militaires et de la justice sur la réforme de la loi antiterroriste.

«JeSuisTunisie»

Condamné par la communauté internationale, l'attentat a provoqué une très forte émotion en Tunisie et de multiples appels à l'unité. Sur les réseaux sociaux, les mots «JeSuisTunisien», «JeSuisBardo» ou encore «JeSuisTunisie» ont été largement repris.

Dans la rue, la mobilisation a été plus faible avec en fin d'après-midi environ 200 personnes participant à un «rassemblement populaire silencieux» devant le musée du Bardo, certaines enveloppées dans le drapeau tunisien.

«Tunisie libre, terrorisme dehors», ont-elles scandé.

Le principal syndicat, l'UGTT, a appelé à «mobiliser les forces du peuple et tous les organes de l'État à déclarer la guerre au terrorisme». Le parti islamiste Ennahda s'est dit convaincu que «le peuple se tiendra uni face à la barbarie».

Dans un communiqué, le mouvement palestinien Hamas a dénoncé un «crime contre l'humanité et contre la Tunisie amie».

Le président américain Barack Obama a assuré jeudi son homologue tunisien de son soutien après la sanglante attaque, saluant «la force et l'unité» du peuple tunisien «face au terrorisme».

«Tunisie libre, terrorisme dehors!»: devant l'ambassade de leur pays à Paris, quelque 300 Tunisiens se sont rassemblés jeudi soir pour dénoncer l'attentat de Tunis.

L'attaque du Bardo est la plus grave depuis l'attentat suicide, revendiqué par Al-Qaïda, contre une synagogue à Djerba (sud) qui avait coûté la vie à 14 Allemands, deux Français et cinq Tunisiens en 2002.

C'est aussi la première fois depuis la révolution de janvier 2011 que des étrangers sont visés alors que le pays s'est imposé comme un modèle de stabilité et d'ouverture dans le monde arabe, l'essentiel des États du Printemps arabe ayant basculé dans le chaos et la répression.

«Impact économique»

Le gouvernement tunisien a notamment qualifié de «terrible» l'impact économique pour le pays: le tourisme, déjà en crise, en est l'un des secteurs stratégiques.

Les groupes italiens MSC Croisières et Costa Croisières, dont des passagers ont été touchés au musée, ont annoncé la suspension de leurs escales à Tunis. Mais le Syndicat des tour-opérateurs français (Seto) a indiqué qu'il n'y avait pas, pour l'heure, «de vague d'annulations».

Deux mois et demi après les attentats ayant ensanglanté Paris, le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve est attendu vendredi à Tunis pour évoquer la coopération antiterroriste.

L'Italie a annoncé un renforcement de son dispositif en Méditerranée.

Depuis 2011, la Tunisie lutte contre un groupe djihadiste lié au réseau Al-Qaïda au Maghreb islamique, la Phalange Okba Ibn Nafaâ, qui a tué des dizaines de policiers et soldats à la frontière algérienne.

En outre, au moins 500 Tunisiens ayant combattu en Irak, en Syrie ou en Libye dans les rangs d'organisations djihadistes comme l'EI, sont rentrés dans leur pays et la police les considère comme l'une des principales menaces à la sécurité.

L'EI, qui sème la terreur dans les territoires sous son contrôle en Irak et en Syrie, ne cache pas son ambition d'étendre son «califat» islamique à d'autres pays de la région arabe et même en Afrique. Il sévit aussi en Libye, pays frontalier de la Tunisie.