Maisons incendiées, carcasses de bétail calciné, des habitants fuyant baluchon sur la tête... À Ngouboua, sur les rives du lac Tchad, la population est sous le choc après l'attaque de Boko Haram vendredi, première incursion du groupe islamiste en territoire tchadien.

La presqu'île de Ngouboua a plongé dans le cauchemar lorsque les islamistes ont attaqué vers trois heures du matin, après avoir traversé le lac Tchad en pirogue, pour prendre d'assaut le village, à quelques pas d'un site de réfugiés nigérians.

Il y a eu deux morts, un militaire tchadien et le chef de canton, qui a reçu «une balle perdue», selon le bilan officiel.

Quelques heures après, le village est désert et silencieux. Il n'en reste presque plus rien: près des deux tiers des habitations sont parties en fumée, après que les assaillants y aient mis le feu.

Les insurgés s'en sont pris à la fois au camp militaire et au village. Les habitants ont réussir à fuir pour ne pas se faire piéger par les flammes, mais beaucoup d'animaux -dromadaires, ânes, boeufs,  moutons...- ont péri dans la nuit.

«La plupart des gens sont en train de partir, il n'en reste pas beaucoup», a raconté à l'AFP un officier de policier sur place.

Pour les gens de Ngouboua, ce qui vient de se passer est difficile à croire. Le groupe islamiste nigérian n'avait jamais encore osé s'attaquer directement au Tchad sur son propre sol.

Ces violences sonnent comme des représailles, à l'heure où N'Djamena a engagé ses troupes dans de violents combats contre le groupe au Nigeria.

Les militaires tchadiens ont pris position depuis un mois de part et d'autre du lac Tchad, au Niger et dans l'Extrême-nord du Cameroun. Le 3 février, ils sont passés à l'offensive depuis le territoire camerounais, reprenant la localité nigériane frontalière de Gamboru après de durs combats.

Fuir vers la sécurité

Dans Ngouboua dévasté, les sinistrés fouillent dans les décombres de leur foyer, espérant trouver quelques affaires épargnées. Les larmes aux yeux, d'autres regardent, désemparés, leurs biens consumés par le feu.

«J'ai tout perdu, il ne me reste plus rien. Je vais vers Baga Sola (sous-préfecture) pour une nouvelle vie», explique Mallaye, un mécanicien, désignant d'un geste las une maison noircie, qui n'est plus que décombres.

«Regardez, qu'est-ce que je peux faire si je reste ici?», se désole-t-il.

Le gouverneur de la région du Lac, le général Bayana Gossingar, s'est rendu sur place après l'attaque. «Les dégâts que vous avez constaté, c'est dû à la nature de cette ville, construite en paille» et en terre, explique-t-il.

«Nous sommes venu pour sensibiliser la population qui a fui vers Baga Sola pour qu'elle revienne et nous attendons également un grand renfort pour sécuriser» le village.

«C'est la première et dernière fois que les +BH+ viennent», assure le gouverneur d'un ton ferme.

Ngouboua, à seulement 18 km du Nigeria, accueille plus de 7000 réfugiés de ce pays qui avaient pour la plupart fui les attaques particulièrement meurtrières de Boko Haram depuis début janvier.

Traversant le lac en pirogue, des milliers de civils se sont éparpillés sur des dizaines d'îlots tchadiens, livrés à eux-mêmes en raison des difficultés d'acheminement de l'aide humanitaire.

Et comme à Ngouboua, ce sont souvent les villageois tchadiens qui leur permettent de survivre en leur apportant de la nourriture et en achetant leur poisson.

Les réfugiés ne sont qu'à quelques minutes en pirogue du village, séparés par un petit bras de lac. Cette fois, ils n'ont pas été directement attaqués, mais ils craignent de se trouver de nouveau à la merci des combattants islamistes.

Hadje Halima, la cinquantaine, a décidé de partir avec ses quatre enfants pour Baga Sola, à trois heures de trajet, sur la terre ferme, «pour être en sécurité». C'est d'ailleurs dans cette ville que le gouvernement tchadien a décidé fin janvier de transférer tous les réfugiés de Ngouboua, invoquant des «raisons de sécurité nationale».

«Nous avons fui Baga Kawa (Nigeria)», sur la rive opposée du lac, où les islamistes ont mené une de leurs attaques les plus sanglantes le 3 janvier, explique-t-elle. Mais «Boko Haram nous suit jusqu'ici!»