Le Niger a proclamé mardi l'état d'urgence dans la région de Diffa, alors que la population fuit la ville par crainte d'une nouvelle attaque des islamistes nigérians de Boko Haram.

Diffa, capitale provinciale située à quelques kilomètres du Nigeria où sévissent depuis des années les militants de Boko Haram, a été attaquée vendredi à sa périphérie, puis dans son centre-ville dimanche et encore à deux reprises lundi.

Le gouvernement nigérien, réuni en conseil des ministres extraordinaire, a proclamé l'état d'urgence à compter de mardi minuit, selon un communiqué lu à la radio nationale. Cette mesure accordera des pouvoirs supplémentaires aux forces de sécurité, dont celui «d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit», précise ce texte.

D'après les experts, Boko Haram dispose de «cellules dormantes» au Niger pour perpétrer des attaques.

Le ministre de la Défense nigérien Mahamadou Karidjo a déclaré que «la situation à Diffa» était «dramatique», ajoutant que «les populations sont en train de quitter la ville», dans une allocution lundi soir au Parlement, retransmise mardi par des radios privées.

Un rapport militaire nigérien donné à l'AFP a confirmé l'hypothèse d'un attentat suicide contre un marché lundi. «Une femme kamikaze s'est fait exploser à côté d'un camion vers la douane, faisant six morts et de nombreux blessés civils», peut-on lire dans le rapport.

«On a retrouvé sa tête et le reste du corps complètement démembré», avait déclaré mardi matin une source humanitaire, qui faisait état de «cinq morts, la kamikaze et quatre habitants, et 16 blessés».

Un obus tiré depuis le Nigeria était déjà tombé dimanche sur le même marché.

Mardi matin, Diffa était une ville morte, a raconté un journaliste local à l'AFP. «Ça ne travaille plus: les services publics et privés, les écoles, tout est fermé», a-t-il décrit.

«Femmes, hommes et enfants, tous quittent en masse Diffa: à pied, à moto, en voiture en camion...», a affirmé ce journaliste, pour qui les habitants partent vers le nord et l'ouest, afin de s'éloigner de la menace de Boko Haram.

«Nouvelle problématique humanitaire»

Les plus fortunés, qui disposaient de véhicules, se sont exilés ces derniers jours à Zinder, la deuxième ville du Niger, située à 400 kilomètres à l'ouest de Diffa, selon un travailleur humanitaire.

«Il y a désormais trois jours d'attente pour monter dans un bus qui quitte Diffa. Les gens font la queue pour s'en aller», expliquait-il lundi.

Ces «probables déplacements internes» ajoutent «une nouvelle problématique humanitaire» à «une situation déjà complexe», a commenté Benoît Moreno, le porte-parole du Haut commissariat aux réfugiés au Niger, interrogé par l'AFP.

Le Niger accueille 125 000 réfugiés venus du Nigeria dans la région de Diffa, qui vivent dans des conditions «déplorables», selon les Nations unies.

«Pour des questions de sécurité, on a suspendu les interventions. On n'a plus accès aux réfugiés. On ne sait pas quelle est la situation à leur niveau», a déclaré M. Moreno.

La majorité des réfugiés sont «éparpillés» le long de la frontière nigéro-nigériane, dans une zone de 28 000 km2 «vaste comme la Belgique», a-t-il observé.

«On arrivait à avoir accès à eux dans une situation déjà compliquée. Maintenant, il y a un nouveau défi (sécuritaire), auquel on s'était préparé, et qu'on va surmonter, car on est là pour ça», a affirmé le porte-parole du HCR.

Selon le Programme alimentaire mondial, 52% des réfugiés souffraient fin 2014 de malnutrition sévère. Depuis quelques mois, l'économie de la zone est en outre asphyxiée faute d'échanges avec le Nigeria, ce qui fragilise encore leur situation.

Le Parlement nigérien s'est prononcé lundi pour l'envoi de troupes au Nigeria pour lutter contre Boko Haram.

Quelque 3000 soldats nigériens et des milliers de Tchadiens sont positionnés dans le sud-est du Niger face à Boko Haram, dont l'insurrection a fait plus de 13 000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria depuis 2009.